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l’effet de l’ensemble, mais on remarqua surtout la voix fraîche de Lorenzo, dont la grâce enfantine avait déjà attiré les regards. Une jeune demoiselle, qui paraissait parler avec autorité, fit approcher Lorenzo, et lui demanda avec douceur : — Avez-vous des frères et des sœurs, mon bel enfant ?

No, signora, répondit-il en rougissant un peu, je suis le seul enfant de ma mère.

— Aimez-vous bien votre mère ?

— Autant que j’aime le bon Dieu, dit-il sans la moindre hésitation.

— Voilà une réponse qui annonce un cœur aussi pur que votre front, — Et un murmure d’approbation générale accompagna cet éloge.

La gentildonna, attirant alors Lorenzo plus près du canapé où elle était assise, lui dit avec un doux sourire : — Sans doute vous ne voudriez pas la quitter, cette mère que vous aimez tant ?

— Si c’était pour son bonheur ! répondit avec empressement Zina, qui avait compris toute la portée de cette question.

— Par exemple, répliqua la noble demoiselle en jetant les yeux sur un vieillard silencieux qui était assis, en face d’elle, de l’autre côté du foyer, vous plairiez-vous avec nous, mon bel enfant ?

O santa Maria! s’écria encore Zina, qui, dans son affection pour Lorenzo, devançait ses réponses, ce serait bien heureux pour l’enfant et pour sa mère !

— Eh bien ! nous causerons de cela plus longuement demain, reprit la noble demoiselle, et, à un signe gracieux de sa main, les trois mages se retirèrent.


II.

A une petite lieue de La Rosâ, sur la belle route qui conduit de Padoue à Bassano, toute parsemée de hameaux pittoresques, de nombreuses hôtelleries et de riches vergers, se trouvait le charmant village de Cadolce, et dans ce village on remarquait une des habitations les plus délicieuses de la terre-ferme. Elle était assise sur le penchant d’une colline, adossée à la lisière d’un bois qui répandait au loin sa fraîcheur et son ombrage tutélaire. Le château, entouré de portiques, était vaste et d’une architecture élégante. Son toit à l’italienne se détachait de la verdure qui l’environnait et s’épanouissait au soleil, comme un caprice de fée. Ce château était du XVIe siècle; il avait été construit par Palladio, avec les débris de vieux monumens de la Grèce. Le château était séparé de la route par un large fossé rempli d’eau et par une longue grille dorée qui laissait entrevoir un riche parterre rempli de citronniers et des fleurs les plus rares