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— Un page à moitié endormi lisait la vie de sainte Marie Alacoque au vieux roi Stanislas tourmenté d’une cruelle insomnie ; le roi avait, lui, les yeux ouverts comme un basilic. « Dieu apparut en singe à la sainte, dit le lecteur somnolent. — Imbécile, lui cria Stanislas, dis donc que Dieu lui apparut en songe ! — Ah ! sire, Dieu en était bien le maître ! » Voilà les convenances qu’observent nos nouveaux thaumaturges : le ridicule n’est rien pour eux.

Les conclusions de cet exposé des lois de la nature relatives à notre sujet sont :

1° Que tout ce qui est raisonnablement admissible dans les curieuses expériences qui ont été faites sur le mouvement des tables où l’on impose les mains est parfaitement explicable par l’énergie bien connue des mouvemens naissans de nos organes, pris à leur origine, surtout quand une influence nerveuse vient s’y joindre et au moment où, toutes les impulsions étant conspirantes, l’effet produit représente l’effet total des actions individuelles ;

2° Que dans l’étude consciencieuse de ces phénomènes mécanico-physiologiques, il faudra écarter toute intervention de force mystérieuse en contradiction avec les lois physiques bien établies par l’observation et l’expérience ;

3° Qu’il faudra aviser à populariser, non pas dans le peuple, mais bien dans la classe éclairée de la société, les principes des sciences. Cette classe si importante, dont l’autorité devrait faire loi pour toute la nation, s’est déjà montrée plusieurs fois au-dessous de cette noble mission. La remarque n’est pas de moi, mais au besoin je l’adopte et la défends.

Si les raisons manquaient, je suis sûr qu’en tout cas
Les exemples fameux ne me manqueraient pas !

comme le dit Molière. Il est à constater que l’initiative des réclamations en faveur du bon sens contre les prestiges des tables et des chapeaux a été prise par les membres éclairés du clergé de France.

4° Enfin les faiseurs de miracles sont instamment suppliés de vouloir bien, s’ils ne peuvent s’empêcher d’en faire, au moins ne pas les faire absurdes. Imposer la croyance à un miracle, c’est déjà beaucoup dans ce siècle ; mais vouloir nous convaincre de la réalité d’un miracle ridicule, c’est vraiment être trop exigeant !

BABINET, de l'Institut.