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des Héraclides fut éteinte, et il se posa sur la maison de Tibère pendant sa retraite dans l’île de Rhodes, pour lui annoncer l’adoption d’Auguste[1]. » Il est aussi l’emblème de la victoire, et c’est sans doute pour, cela que, parmi les quarante premiers connétables de France, on en compte vingt-deux qui l’avaient placé dans leurs armes. L’aigle, image du triomphe, a son contraire dans la merlette, oiseau sans défense, c’est-à-dire sans bec et sans pattes, et qui représente la défaite. La merlette, dans le blason d’un chevalier, personnifie les ennemis qu’il a vaincus, et c’est pour cela, dit Wulson de la Colombière, qu’on la rencontre plus souvent en France que chez les autres nations. — Le léopard, que les héraldistes du XVIIe siècle, fidèles au souvenir des Bestiaires, font naître du lion et de la panthère, représente ceux «qui exécutent avec légèreté quelque entreprise hardie; » le sanglier, « ceux qui se jettent dans la mêlée, au milieu des épieux et des lances, » sans calculer le danger, et qui font une trouée dans les rangs ennemis, comme le sanglier dans le taillis des bois. L’ours, pesant, solitaire, grossier, mais au fond très courageux et très honnête, est le portrait fidèle des Suisses. Le chien exprime les services rendus par les vassaux à leur suzerain, et, quand il est tenu en laisse, il se rapporte à l’idée de la discipline, de la soumission, et par cela même à l’état militaire. Le phénix, qu’on trouve dans les armoiries de plusieurs grands personnages de l’église, entre autres dans celles de saint François de Paule, garde toujours son caractère mystique, et Palliot se demande s’il était possible de trouver un symbole plus heureux pour ce grand saint, « vrai phénix lui-même, brûlant sur le bûcher de la charité, dans lequel il s’est consumé, pour vivre éternellement dans le ciel et revivre en ce monde dans ses religieux. » Quant à l’hermine, si blanche, si propre, si attentive à ne point souiller sa robe éclatante, elle apprend au chevalier qu’il doit veiller attentivement sur sa pensée et ses actions, et garder son honneur intact et sans taches.

Lorsqu’il s’agit seulement des animaux nobles et généreux, tels que le lion, l’aigle, le phénix, les interprètes de la science héraldique marchent fort à l’aise; mais l’embarras commence quand ils arrivent aux bêtes malfaisantes, lâches ou félonnes. Comment expliquer en effet la présence des cloportes, des serpens les plus dangereux, des harpies, des hydres, des amphisbènes, de l’écrevisse, du scorpion, dans des représentations où, comme ils le disent eux-mêmes, tout doit être héroïque et magnanime ? Malgré la difficulté, ils s’avouent rarement vaincus, et chaque sphinx trouve son Œdipe.

  1. Voir La vraye et parfaite Science des Armoiries, etc., par Pierre Palliot. 1661, un vol. in-folio.