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DIPLOMATE CHINOIS




La diplomatie chinoise n’existe pour l’Europe que depuis peu de temps; il a fallu la guerre de l’Angleterre avec le Céleste Empire pour nous mettre en contact avec elle. Avant cette guerre, avant le traité de Nankin, qui l’a terminée, les peuples de l’Occident étaient pour les souverains de la Chine des barbares tributaires, qui devaient se prosterner devant leur image sacrée, mais non pas stipuler des conventions diplomatiques. On connaissait le mandarin chinois, non le diplomate. C’est la fumée des canons anglais qui a évoqué ce nouveau personnage, ou plutôt, si l’on veut remonter aux premières origines de la révolution d’où est sortie la diplomatie chinoise, on peut dire que c’est l’abolition du privilège de la compagnie des Indes qui l’a commencée. Tant que ce privilège avait été maintenu, la compagnie avait eu souvent à se plaindre de l’insolence des mandarins; mais la considération de son intérêt l’avait rendue patiente. Quand le commerce avec l’Inde et la Chine eut été déclaré libre, on vit augmenter à Canton, dans une proportion considérable, le nombre déjà très grand des navires anglais; l’importance des différends s’accrut avec celle des affaires. Il fallut envoyer pour les résoudre un homme d’un rang élevé, qui était le plénipotentiaire, non plus d’une société de commerçans, mais d’une nation commerçante. C’était la première fois que des discussions de marchands, à Canton, prenaient un caractère international. Il y avait la dignité d’une monarchie européenne en présence de l’orgueil chinois. Cet orgueil n’eut pas l’air de s’en apercevoir, et probablement il ne s’en aperçut pas. La longanimité et les concessions l’exaltèrent