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XVIIe siècle, ce qu’avaient été dans les âges précédens les communes et les états-généraux, les organes indistincts et souvent imprudens de ces confuses aspirations de liberté qui circulaient dans les rangs du tiers-état. Leurs attributions ou pour mieux dire (car on ne saurait se servir de ce mot) leurs prétentions politiques furent toujours mal définies. Dépositaires d’une force dont ils ne mesuraient pas bien la portée, ils avaient le sentiment d’être tenus à remplir un devoir dont ils ne connaissaient pas mieux les limites. Avaient-ils, n’avaient-ils pas le droit d’apposer ou de refuser leur assentiment aux édits de finance et de protéger ainsi les fortunes privées contre les exigences capricieuses d’un fisc toujours rapace, toujours prodigue et toujours ruiné ? Comme sanction de ce droit extrême, leur était-il permis de suspendre le cours de la justice ordinaire, d’arrêter ainsi la marche de la société entière, et de trouver dans ce remède héroïque la force qu’une assemblée politique peut puiser dans le refus du budget ? Ils n’auraient pas répondu eux-mêmes bien nettement à ces questions, et quand des théoriciens un peu factieux, comme le cardinal de Retz, essayaient de donner à la puissance des corps intermédiaires une forme systématique, ils étaient les premiers à s’en effrayer. Ils savaient seulement que le pauvre peuple était pressuré d’impôts, que les finances publiques étaient mal gérées, dissipées en grosses pensions pour les courtisans, exploitées avec improbité et rigueur par les traitans, que Concini ou Mazarin étaient étrangers, et que la puissance royale, quelle que fût sa majesté, devait procéder avec régularité et mansuétude, comme la puissance divine, dont elle était l’image. Ils savaient aussi qu’ils étaient eux-mêmes des hommes graves, considérés, intègres, en qui l’opinion des peuples prenait confiance. Puis ils avaient beaucoup lu l’histoire romaine, et pensaient parfois, en se mirant avec une secrète complaisance, que leurs robes rouges ressemblaient à la toge des pères conscrits, et que leurs sièges fleurdelisés figuraient assez honnêtement des chaises curules.

C’est de cette combinaison singulière de prétentions et de scrupules d’ambition et de conscience que sortirent les premiers actes de la fronde. Le hasard d’une journée et l’impopularité d’un favori investirent tout d’un coup le parlement de Paris d’une véritable et presque régulière puissance politique. La déclaration des chambres assemblées dans la salle de Saint-Louis, confirmée un instant par la royauté, fondait un vrai système libéral dont le parlement était le seul dépositaire. On lui confiait le vote réel des contributions et la garantie plus efficace encore de la liberté des citoyens. Ce fut, si l’on ose ainsi parler, la dernière aventure libérale du tiers-état et de l’histoire ancienne de France. Le parlement, malgré sa gravité, son expérience et ses études, ne s’en tira pas beaucoup mieux que ses devanciers du