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sur le royaume de France, où se trouvaient naguère encore plusieurs grands princes disposant de beaucoup d’autorité, et où il n’y avait plus aujourd’hui personne qui ne tremblât au plus petit signe du roi. Après avoir ainsi combattu la candidature de François Ier, l’archevêque de Mayence lui donna pour sa part une exclusion formelle.

Discutant alors le choix d’un prince allemand, il ne s’y montra pas moins défavorable, parce qu’un semblable empereur, faible et désobéi, serait hors d’état de conduire, de pacifier, de défendre l’Allemagne, et d’y rétablir l’unité religieuse compromise. Restait le roi catholique. L’archevêque convint que, s’il était élu, les affaires de l’Allemagne paraîtraient exposées à souffrir de son éloignement, et ses libertés à être menacées par sa puissance. Il ajouta toutefois que, lorsqu’il considérait l’origine allemande de ce prince, les états qu’il possédait dans l’empire, les heureuses et grandes qualités dont il était doué, les ressources considérables qu’il mettrait au service de l’Allemagne et de toute la république chrétienne, les sages précautions à l’aide desquelles on pourrait éviter les dangers de son autorité, nul autre ne lui semblait plus digne de recevoir la couronne impériale[1].

Ce discours produisit beaucoup d’effet sur les électeurs, qui désirèrent néanmoins entendre l’archevêque de Trêves. Celui-ci, s’étonnant de voir l’archevêque de Mayence préférer le roi catholique au roi très chrétien, dit que la bulle d’or ne les autorisait pas plus à élire un Espagnol qu’un Français, et que, si l’on jugeait le premier capable d’être élu parce qu’il possédait des provinces de l’empire, le second ne l’était pas moins comme possédant la Lombardie et le royaume d’Arles, qu’il fallait donc rechercher lequel des deux leur convenait le mieux. Il soutint alors qu’en choisissant le roi très chrétien et en l’obligeant à ne point attaquer Naples ni la Flandre, ce prince entreprendrait infailliblement de chasser les Turcs de la Hongrie pour protéger l’Allemagne, qui était l’avenue et le rempart de son royaume, tandis que, si l’on nommait le roi catholique, on pouvait être certain que la guerre éclaterait dans les Pays-Bas et en Italie, — que le roi Charles s’efforcerait d’enlever Milan à François Ier, pour l’annexer à ses états, et que, durant cette lutte des deux plus puissans princes de la chrétienté, les Turcs envahiraient la Hongrie sans résistance. Il insista fortement sur le mérite éprouvé et la valeur connue de François Ier, qu’il opposa à la jeunesse inexpérimentée de son compétiteur, sur le naturel facile des Français et la dureté orgueilleuse des Espagnols. Puis il conclut en disant qu’à choisir un étranger, le

  1. Lettre du cardinal Cajetan à Léon X, en italien, écrite de Francfort le 29 juin. Lettere di Principi, vol. Ier, p. 68 à 70.— Steidau, t. Ier, édit. de Francfort, 1785, p. 66 à 70.