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beaucoup plus sérieux. La politique bien entendue de l’Allemagne semblait conseiller aux électeurs de ne donner pour chef à leur pays ni l’un ni l’autre des deux puissans monarques qui, capables de le défendre, seraient aussi en état de l’asservir. La cour de Rome, redoutant presque au même degré de voir monter sur le trône impérial le duc de Milan ou le roi de Naples, ce qui la mettrait à la merci du possesseur de la haute ou de la basse Italie, eût préféré le choix de l’électeur de Saxe; mais ce prince, prudent et peu résolu, craignit de n’être pas au niveau d’une aussi grande charge, de succomber sous son poids et d’en écraser sa maison. La nécessité de repousser les Turcs, le besoin urgent de ramener la paix dans l’empire et de poursuivre avec vigueur ceux qui la troublaient, le devoir de raffermir l’unité religieuse prête à se rompre, lui semblèrent au-dessus de ses forces ou de son caractère. Il déclina donc les offres qui lui furent faites, et il s’apprêta à donner sa voix à celui-là même dont les armes victorieuses devaient plus tard envahir ses états, réduire en captivité son héritier, et faire passer la dignité électorale de la branche de sa maison dans une autre.

Ce grand conflit marqué par des phases si diverses, et pendant la durée duquel le roi catholique lui-même avait paru si près d’échouer, qu’on lui avait conseillé de travailler à l’élection d’un autre prince, ce grand conflit touchait à son terme. Le 28 juin, les électeurs, revêtus de leurs costumes de drap écarlate, se rendirent au son des cloches dans l’église de Saint-Barthélémy pour procéder définitivement au choix d’un empereur. Ils s’assemblèrent dans la petite chapelle près du chœur qui leur servait de conclave.

L’archevêque de Mayence prit le premier la parole. Il se demanda lequel il fallait élire, du roi très chrétien, du roi catholique ou d’un prince allemand. Il examina d’abord s’il convenait de choisir François Ier, et dit qu’aux termes de la bulle d’or, les électeurs juraient de ne pas élire un empereur étranger, et qu’ils manqueraient à cette loi et à leur serment, s’ils nommaient le roi de France; que celui-ci d’ailleurs voudrait accroître son royaume, qui était héréditaire, aux dépens de l’empire qui ne l’était point; que, s’étant emparé de Milan après sa grande victoire sur les Suisses à Marignan, il aspirerait désormais à soumettre toute l’Italie et dirigerait ensuite son ambition contre l’Allemagne; qu’il chercherait à enlever la Flandre et l’Autriche au roi Charles, d’où résulteraient de grands troubles et des guerres civiles dans leur patrie; que si, dans ce cas, les électeurs et les autres princes s’opposaient à ses desseins en voulant défendre les droits de l’empire et le petit-fils de Maximilien, à qui ils devaient tant, il les déposséderait pour en mettre d’autres à leur place; qu’ils pouvaient juger de la liberté qui leur serait laissée en jetant les yeux