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L’électeur palatin, qui depuis six semaines avait échappé sous divers prétextes à une entrevue avec Bonnivet, envoya secrètement, le 9 mai, son même chancelier dans un village voisin pour s’aboucher et conclure avec lui. Le même jour, on convint que l’électeur voterait en faveur de François Ier, qui lui donnerait 100,000 florins d’or après l’élection, lui paierait exactement 5,000 couronnes d’or pour sa pension, distribuerait chaque année 2,000 florins à ses conseillers, conférerait des évêchés à ses deux frères, et prendrait au service de France, avec une allocation annuelle de 6,000 francs, le comte Frédéric, s’il voulait s’y mettre. Une somme de 30,000 florins lui était assurée de plus comme moyen de défense contre la ligue de Souabe, et François Ier, devait l’aider à reconquérir les villes et les châteaux dont Maximilien l’avait privé à la diète de Cologne en prononçant son arrêt sur l’hérédité de Landshut[1]. La conclusion définitive traîna jusqu’au 22 mai, jour où elle fut signée à Coblentz[2]. François Ier la ratifia le 28 et reçut de l’électeur la promesse formelle de voter pour lui, conçue à peu près dans les mêmes termes que celle du margrave de Brandebourg et fondée sur les mêmes raisons. Cette promesse, écrite sur parchemin, ne mentionnait pas davantage le prix auquel François Ier l’avait acquise. Couvrant son marché des motifs les plus hauts et les plus louables, ne subordonnant même son suffrage à aucune condition, le comte palatin disait : « Afin que nos pieuses intentions se réalisent, nous supplions le roi très chrétien, autant que nous le pouvons, de ne pas cesser d’aspirer à l’empire, vu les avantages que la chrétienté tout entière retirerait de son élévation. C’est pourquoi nous nous engageons, en parole de prince et sur notre foi, à l’élire, à lui donner notre voix et à presser les autres princes de lui donner la leur. Nous ne pouvons rien faire de meilleur, de plus digne, de plus agréable, au Christ, de plus utile à tous les chrétiens. En témoignage de quoi nous avons souscrit ces présentes de notre propre main et nous avons ordonné de les revêtir de notre sceau. — En notre château d’Heidelberg[3]. »

Le duc Frédéric de Saxe et l’archevêque de Cologne refusèrent seuls de prendre des engagemens. Le premier agit ainsi par intégrité et pour se montrer jusqu’au bout observateur fidèle de ses devoirs

  1. Lettre des ambassadeurs de François Ier au roi, du 10 mai (Mss. de La Mare, 10220/3, fo 141), et Histoire politique de la Bavière, par Stumpf, archiviste du royaume de Bavière, Munich, 1816 à 1818, t. I, sect. I, p. 32 et suiv.
  2. Lettre des mêmes au même, du 23 mai. Ibid., fo 160. « Nous avons devers nous, écrivaient-ils à François Ier, la promesse du dict comte par escript, signée de luy et scellée de son sceau, qui est pure et simple, par laquelle il promect vous eslire et est pareille de celle de monsieur de Trêves, qui ne pourroit estre mieulx. »
  3. L’original latin, sur parchemin, signé de la main de l’électeur et muni de son scel en cire rouge. Archives, carton J. 952, pièce 16.