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sur la frontière des Pyrénées, vers Perpignan et vers Pampelune, et il prescrivit d’enrôler des soldats pour le royaume de Naples. Ainsi la rivalité des deux rois, qui divisait déjà l’Europe, était sur le point d’amener la guerre en Allemagne, en Italie, en France, en Espagne, et l’annonçait tout au moins bientôt dans les pays où devaient se rencontrer la diversité de leurs intérêts et s’entrechoquer leur puissance.


VIII.

Au milieu de ces armemens, les négociations avaient continué sans se ralentir. Après de longs pourparlers avec l’électeur de Brandebourg, Joachim de Moltzan avait écrit à François Ier : « Tout ira bien, si nous pouvons rassasier le margrave. Lui et son frère l’électeur de Mayence tombent chaque jour dans de plus grandes avarices... La chose en est arrivée au point que celui des deux rois qui donnera et promettra le plus l’emportera. Il me parait très à propos d’envoyer tout de suite quelqu’un qui se joigne à moi, et qui soit muni des pouvoirs nécessaires pour conclure et ratifier. » Il finissait sa lettre par ces mots : Vite, vite, vite[1]. François Ier avait fait partir alors pour Berlin La Poussinière et Bazoges, qui y étaient arrivés vers la fin de mars. Il voulait qu’on conclût à tout prix avec le margrave, que les agens autrichiens appelaient le père de toute avarice[2], Prévoyant même que le margrave pouvait lui échapper après s’être engagé, il ajoutait : « Si, avant ou après la totale et finale conclusion prise par mes ambassadeurs avec le marquis, ils aperçoivent quelques offres pour le faire bransler et changer, qu’ils soient advertis d’y avoir l’œil et eulx tenir près dudit marquis et de ses serviteurs, et principalement de ceux qui conduisent les affaires; et s’il demande quelque chose, soit pour lui ou son fils, qu’ils le lui accordent et lui en facent, en vertu de leurs pouvoirs, les promesses telles qu’il les demandera, et qu’ils le traitent et mènent de sorte qu’il demeure ferme et tiene sa foy et promesse; car, pour ce faire, je n’y veuil aucune chose espargner, quelle qu’elle soit. Ayant luy et Mgr de Mayence, son frère, pour moi, avec Mgr de Trêves et le comte palatin, l’affaire est du tout assurée[3]. »

C’est sur ce pied que la négociation avait été poursuivie. François Ier ne s’était laissé rebuter par aucune des exigences de

  1. Cito, cito, cito. — Lettre latine de Moltzan, du 28 février. L’original. Archives, carton J. 932, pièce 57.
  2. Lettre de Maximilien de Berghes à Marguerite d’Autriche, des 5 et 6 fév. 1519. — Le Glay, Négociations, etc., p. 203.
  3. Lettre de François Ier à ses ambassadeurs, du 28 mars. Mss. de La Mare, 10330/3, f° 69.