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qu’on ne l’accusât de vouloir se faire élire par force, et ceux du margrave de Brandebourg, qui le pressait au contraire d’en mettre sur pied, afin d’inspirer plus de confiance à ses partisans. Il embrassa alors ce dernier parti. Pendant trois jours, il s’enferma avec le surintendant Semblançay, le trésorier Babou et les autres gens de ses finances pour trouver les sommes nécessaires à ces armemens[1]. L’élection lui en coûtait déjà de fort considérables, et il était obligé de tout faire argent comptant. Avant même les défenses de la ligue de Souabe, la puissante maison des Fugger lui avait refusé le secours de sa banque, et avait ainsi renoncé, par un patriotique désintéressement, à gagner environ 30,000 florins[2]. Aussi, indépendamment des espèces en or que Bonnivet avait portées en Allemagne, François Ier y envoya-t-il, dans le courant d’avril et les premiers jours de mai, 400,000 écus au soleil, qu’il fit escorter à travers la France, la Lorraine, l’électorat de Trêves, et que ses ambassadeurs, suivis de huit cents chevaux, eurent avec eux sur les bords du Rhin, dans les sacs de cuir de leurs archers[3]. Il expédia en même temps vers le nord — à son allié le duc de Lunebourg, à son pensionnaire le duc de Holstein, au duc de Mecklenbourg qui demandait à le servir, et surtout au margrave Joachim qui proposait de lever à lui seul quinze mille hommes de pied et quatre mille chevaux, — des ordres et de l’argent pour qu’ils se disposassent à le seconder avec des forces suffisantes. Il prit de semblables mesures du côté du Rhin avec le rhingrave, qu’il fit son pensionnaire[4] pour l’opposer à Sickingen, dont il était le voisin et le rival, et avec le duc de Gueldres, vieil et persévérant allié de la France. Il rassembla lui-même ses compagnies d’ordonnance sur la frontière de Champagne, où il fit marcher soixante pièces d’artillerie toutes neuves qu’il avait à Tours, et où il réunit, sous le commandement du maréchal de Chabannes, un corps d’armée prêt, s’il le fallait, à entrer en Allemagne.

Le roi catholique ne resta pas plus en arrière du roi de France pour les préparatifs militaires que pour les menées électorales. Disposant dans la Franconie, où elle s’était transportée après la campagne de Wurtemberg, de l’armée victorieuse de la ligue de Souabe que dirigeait toujours Sickingen, il recommanda de ne point la licencier et la prit à sa solde pour trois mois[5]. Il concentra en outre des troupes

  1. Lettre de François Ier aux mêmes, du 21 avril. Ibid., f° 79.
  2. Lettre de Maximilien de Berghes à Marguerite d’Autriche, des 26 et 27 février 1519. Dans Mone.
  3. Mémoires de Fleuranges, vol. XVI, p. 831.
  4. Lettre de François Ier à ses ambassadeurs, du 19 mars, Ibid., f° 68.
  5. Marguerite d’Autriche avait écrit au roi, son neveu : « La ligue de Zwave autrefois a fait eslire empereur, parquoy est l’une des choses les plus nécessaires que bien entretenir la dite armée en Estre, pour donner à icelle soubz le dit messire Francisque (Sickingen) une bonne assistance, par le moyen de laquelle les gagnerez pour en faire ce que vous vouldrez. » Lettre du 9 mars. Le Glay, Négociations, etc., p. 324. C’est ce qu’ordonna le roi de Castille à ses commissaires en Allemagne. Lettre du 31 mars, non imprimée. Archives de Lille