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qu’il prêtait lors de son investiture, ne devait aspirer à l’empire, et que, s’il y parvenait, ce serait entre lui et le pape un commencement de guerre qui remettrait la division dans la chrétienté, maintenant unie[1]. » Le grand intérêt de François Ier était encore plus d’empêcher son puissant compétiteur d’être élu empereur que de le devenir lui-même ; aussi recommanda-t-il subsidiairement à ses ambassadeurs, s’ils ne pouvaient pas le faire nommer, d’offrir la couronne ; à l’électeur de Brandebourg, ou à l’électeur de Saxe, ou bien encore au roi de Pologne,

Le roi catholique avait senti à son tour combien il lui importait de ne pas échouer dans cette épreuve décisive, après avoir réussi dans la précédente. Il était au monastère de Montserrat, dans le. royaume d’Aragon, lorsqu’il connut, au commencement de février, la mort de son grand-père. Après les premiers momens donnés à la douleur et au deuil, il transmit en Allemagne les ordres nécessaires pour y reprendre et y poursuivre vivement l’entreprise de son élection. Il en confia d’abord la conduite à Mathieu Lang, cardinal de Gurk, très attaché à la maison d’Autriche, mais fort peu aimé en Allemagne. Il désigna comme devant le seconder Michel de Wolkenstein, le chancelier Sarentein, le trésorier Villinger, les secrétaires Renner et Ziegler, qui avaient si longtemps manié, sous son grand-père, les affaires de l’empire, et son propre chambellan, l’actif et insinuant Armerstorff. Cependant, ayant appris plus tard que les électeurs répugnaient à traiter avec le cardinal de Gurk, il envoya celui-ci au Tyrol et en Autriche, où l’interrègne avait occasionné des troubles, et il chargea le comte Henri de Nassau et le maître des requêtes Gérard de Pleine, seigneur de La Roche, de diriger la négociation. Il y employa aussi le prince-évêque de Liège et le seigneur de Sedan, que François Ier avait imprudemment détachés de lui, en ne faisant pas donner à l’un le chapeau de cardinal, comme il le lui avait promis, et en cassant la compagnie d’hommes d’armes dont il avait confié le commandement à l’autre[2]. Il ordonna, d’attirer à son service Sickingen à quelque prix que ce fût, et il écrivit à Maximilien de Berghes, seigneur de Zevenberghen, qui unissait beaucoup de dextérité à beaucoup d’ardeur, de se rendre en Suisse pour y déjouer les pratiques du bâtard de Savoie, et obtenir des cantons qu’ils se déclarassent contre les prétentions du roi très chrétien. Il chargea aussi don Luis Carroz, son ambassadeur auprès du saint-siège, de lui concilier la faveur du pape, et il demanda à Henri VIII de le préférer à son rival.

  1. Minute et copies originales des Instructions pour le faict de l’empire, etc., de février 1519, dans les mss. de La Mare, 10330/3.
  2. Mémoires de Fleuranges, dans Petitot, vol. XVI, p. 322 à 344.