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sa famille. Il était déjà lieutenant-général en 1646, dans la campagne de Flandre, qui se termina par ce siège de Dunkerque, un des plus grands sièges du XVIIe siècle. C’est là qu’il périt à la fleur de l’âge ; il avait à peine vingt-quatre ans. Laissons parler Sarazin dans son Histoire du siège de Dunkerque[1] : « La nuit du 1er  octobre (1646), Noirmoustier et Laval entrèrent aux deux tranchées, et résolurent ensemble, à quelque prix que ce fut, de se rendre maîtres de la contr’escarpe, que tous nos assauts n’avoient pu jusqu’alors entièrement emporter. Laval commandoit en cette occasion les régimens d’Anguien et de Conty, avec une troupe de Polonnois. Il sépara à droite et à gauche les officiers et les soldats qu’il vouloit qui commençassent l’attaque, et prenant le milieu avec ceux qu’il choisit pour combattre avec lui, il fit donner l’épée à la main par trois endroits. Tout fut renversé d’abord au lieu où il combattoit, et la contr-escarpe du bastion gagnée ; mais lorsqu’il commençoit à s’y couvrir, travaillant lui-même parmi les soldats, comme il posoit une barrique, il fut porté par terre d’un coup de mousquet qu’il reçeut à la tête, et mourut quelques jours après de cette blessure, qu’on avoit au commencement jugée favorable. La douleur de sa perte fut commune à toute l’armée. Le prince en particulier en tesmoigna un sensible desplaisir. C’estoit un jeune homme d’illustre naissance, ambitieux d’honneur et capable de porter bien loin ses espérances, si la mort, qui le prit dans la plus belle fleur de sa vie, lui eut laissé le temps d’ajouter l’expérience à la valeur. Il étoit au reste fort bien fait de sa personne, et tesmoignoit dans sa conversation une bonté et une franchise naturelle qui faisoient souhaiter son amitié, et qui le rendoient agréable à tous ceux qui le pratiquoient. Aussitost qu’il fut blessé, on l’emporta dans sa tente, où le prince le vint visiter. » Tallemant ajoute quelques détails intéressans : « Laval se piqua de faire un logement qui était si important que de là dépendait le succès du siège ; il y alla après que deux autres maréchaux de camp en eurent été repoussés. Il avait avec lui un ingénieur huguenot, nommé Dutens, qui lui dit qu’il n’y irait pas sans casque. Laval lui donna un chapeau de fer qu’il avait, et après fit le logement ; mais il y reçut un coup de mousquet par la tête, dont il mourut au bout de dix-sept jours. Le chevalier Chabot, autre maréchal de camp, garçon de cœur et de mérite, y fut aussi tué en même temps. Cependant, quoiqu’il fût fort estimé, Laval l’obscurcit de telle façon qu’on ne songea pas à le plaindre. »

Tous les témoignages sont unanimes sur les regrets de la cour et de l’armée et particulièrement de Condé[2]. On peut juger quels

  1. Les Œuvres de monsieur Sarasin, Paris, 1656, in-4o, p. 63.
  2. Mme  de Motteville, t. Ier, p. 385 ; « Laval, gendre du chancelier et fils de la marquise de Sablé, bien fait et honnête homme à la mode du monde, mourut dans ce