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doit abonder ; le saumon surtout a donné lieu à un commerce énorme. Dans les premiers temps qui ont suivi la pacification de l’Écosse, quiconque possédait une chute sur une rivière a fait immédiatement fortune. Simond parle d’une pêcherie sur le Tay, qui s’affermait, avant 1800, 5 guinées par an, et qui rapportait, en 1810, 2,000 livres sterling, ou 50,000 francs. « Ce n’est pas, dit-il, qu’il y ait plus de poisson, mais il y a plus d’industrie à le prendre et plus de consommateurs. » Ces magnifiques bénéfices sont aujourd’hui fort diminués ; on a tant fait que le saumon et la truite ne se trouvent plus en aussi grand nombre qu’autrefois ; mais un art nouveau, la pisciculture, vient depuis quelques années ranimer les espérances. Le duc d’Athol actuel est un de ceux qui recherchent avec le plus de soin les moyens de repeupler les lacs et les rivières ; de nombreuses expériences montrent qu’on y réussit. Tout annonce que cette richesse naturelle de la haute Écosse sera conservée et peut-être grossie par l’industrie humaine. Telle est, en effet, la véritable tâche de l’homme dans un pareil pays ; tel est, avec le pâturage et la forêt, le seul genre de culture possible et profitable, car, comme le dit Virgile dans ses Géorgiques, la culture doit varier avec les sols et les climats :

Nec vero terræ ferre omnes omnia possunt.

Cette sécurité profonde dont on jouit maintenant dans les Highlands, ce calme infini d’une terre sans habitans, ces lacs, ces rochers, ces cascades, ces bruyères, ces souvenirs romanesques et poétiques, tout cet ensemble singulier donne à l’habitation dans ces montagnes un vif attrait malgré la tristesse du climat. Aux huttes renversées des clans ont succédé des résidences comfortables. Non-seulement les anciens chefs se sont fait bâtir des châteaux sur les ruines des chaumières, mais on a vu de riches Anglais acheter des territoires entiers et y transporter leurs demeures. Il n’y a presque plus sur toute la surface des Highlands de site un peu remarquable où ne s’élève un château moderne. La terre y vaut en moyenne environ 100 francs l’hectare, ce qui permet d’avoir à bon marché de vastes espaces ; les habitations sont à plusieurs lieues les unes des autres, les domaines qui en dépendent ont des milliers d’hectares peuplés uniquement de troupeaux et de grouses ; mais si l’extérieur de la maison est inculte et désert, l’intérieur présente toutes les jouissances du luxe : contraste éternellement piquant. D’excellentes routes, des bateaux à vapeur établis sur les lacs, facilitent l’accès des coins les plus solitaires ; l’aspect général du pays est celui d’un vaste parc de plusieurs millions d’hectares, où le plus grand des jardiniers paysagistes a