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de progrès. Depuis 1695, les communaux écossais ont été successivement livrés à la propriété, surtout dans les Lowlands; tout ce qui était cultivable est maintenant cultivé, et les terres incultivables elles-mêmes sont l’objet d’une exploitation intelligente et fructueuse. Quand on remonte à deux ou trois siècles en arrière, on retrouve partout en Europe à peu près la même organisation rurale; seulement on s’est plus ou moins éloigné depuis de la barbarie primitive. Cet état de communauté, qui fleurit encore aujourd’hui parmi les paysans de la Russie, a existé partout, et partout a plus ou moins reculé devant la culture.

La population ne s’est pas accrue dans tous les Lowlands comme dans les comtés de Lanark et de Renfrew; si dans quelques-uns, comme dans ceux d’Ayr et d’Edimbourg, elle a triplé, dans beaucoup d’autres, même les plus riches, comme ceux de Haddington et de Linlithgow, qui font partie des Lothians, elle a marché très lentement. Dans l’ensemble, elle a doublé; elle est aujourd’hui d’un peu plus d’une tête pour 2 hectares, ou l’équivalent du pays de Galles et des départemens du centre de la France, ceux de la Haute-Vienne, de la Creuse, de la Dordogne et de la Corrèze. Cet accroissement de population est bien loin d’être en rapport avec l’augmentation de richesse. Dans le même laps de temps, la population de l’Angleterre a triplé, celle de l’Irlande a quadruplé, bien que la progression de richesse ait été moins rapide. Même sur la question délicate de la population, les Écossais en savent d’instinct aussi long que les plus grands économistes. Là où s’élève suffisamment la demande de travail, la population s’accroît pour y faire face; mais la demande de travail ne s’élève pas partout, et dans les districts exclusivement agricoles, elle tend plutôt à se réduire. L’Ecosse vit ainsi à l’abri des inquiétudes et des souffrances que fait naître l’excès de population ; elle n’a jamais rien à craindre pour sa subsistance, puisqu’elle exporte volontairement beaucoup de ses produits agricoles, et le petit nombre, comme la sobriété de ses consommateurs, lui permet de transformer en capital une grande partie de ses recettes. Nous allons voir dans les Highlands une application bien autrement rigoureuse du même principe.


III.

Les Highlands, ou hautes terres, comprennent les quatre grands comtés d’Argyle, Inverness, Ross et Sutherland, et la plus grande partie de ceux de Perth, Aberdeen, Banff, Elgin et Nairn. En y ajoutant les Hébrides, les Shetland et les autres îles, c’est au moins la moitié de l’Ecosse. J’ai déjà dit quel aspect présentent ces régions