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pour la boucherie ce qu’est celle d’Ayr pour la production laitière, et soutient sans trop de désavantage sous ce rapport la comparaison avec les meilleures races anglaises, même les durham. A mesure qu’on remonte vers le nord, la richesse décroît; mais le drainage, la culture des turneps et des plantes fourragères, les engrais supplémentaires, comme les os et le guano, les défoncemens, les amendemens calcaires, convertissent de toutes parts en bonnes terres d’affreux marais et des rochers stériles. C’est comme une seconde création. Tous les jours, cette partie de l’Écosse accroît rapidement sa production en viande et en lait; l’orge et l’avoine suivent le mouvement, quoique de loin, et le froment lui-même ose paraître jusque dans le comté sombre et glacé de Caithness, le plus septentrional de tous, qu’habitaient presque seules autrefois d’innombrables légions d’oiseaux de mer.

Même en appliquant aux prix écossais la réduction de 20 pour 100, on trouve que le produit brut de la basse Écosse prise dans son ensemble doit être d’environ 100 francs l’hectare, divisés à peu près ainsi qu’il suit :

¬¬¬

Rente du propriétaire 30 fr.
Bénéfice du fermier 25
Impôt 3[1].
Frais accessoires 17
Salaires 25
Total 100 fr.

J’ai dit que le produit brut moyen des terres en France devait être également d’environ 100 francs, malgré l’immense supériorité de notre sol et de notre climat; la rente aussi doit être à peu près la même, mais le reste se divise très différemment. Les salaires absorbent chez nous, à cause de la surabondance des bras et de la pénurie des capitaux, la moitié au lieu du quart du produit brut; il ne reste pour le bénéfice de l’exploitant et pour les frais accessoires, c’est-à-dire pour ce qu’il y a de plus productif, que le tiers de ce qui leur revient en Écosse. Le bénéfice, qui est en France le dixième environ du produit brut et le tiers de la rente, est en Écosse le quart du produit brut et les quatre cinquièmes de la rente. En Angleterre, le produit brut moyen est double, et la division à peu près la même proportionnellement, sauf que, les impôts étant en Écosse infiniment moins élevés, la part des fermiers profite de la différence presque tout entière.

La plus grande supériorité de l’économie rurale écossaise, c’est le petit nombre de ses travailleurs. Nous avons vu qu’en France la

  1. L’impôt dans les Highlands, c’est-à-dire dans l’autre moitié de l’Écosse, est insignifiant, ce qui double la part des Lowlands dans la répartition.