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quand les Kandyens se révoltèrent, ils s’emparèrent avidement de ce trésor qu’ils considéraient comme le palladium de l’indépendance de leurs souverains. Lorsque les rois de Kandy eurent cessé de régner, on retrouva la relique dans la cellule d’un religieux, et elle fut solennellement replacée dans son sanctuaire par les soins de l’autorité anglaise. La clé de la châsse fut placée entre les mains du résident britannique de Kandy. La nuit, un soldat de la garnison anglaise montait la garde devant la dent canine de Gôtama, et à certaines époques de l’année on la présentait aux fidèles pour qu’ils pussent l’adorer encore. Depuis 1839, le gouvernement anglais a cru devoir renoncer à la part directe qu’il prenait aux superstitions païennes; par suite d’un décret émané de la direction des colonies, la relique a été rendue aux religieux et aux grands personnages du pays, qui en font l’exhibition quand bon leur semble.

Il existe à Ceylan un autre souvenir de la vie de Gôtama-Bouddha, nous voulons parler de l’empreinte de son pied représentée par une cavité que l’on observe sur le pic d’Adam, à sept mille quatre cent vingt pieds au-dessus du niveau de la mer. Cette cavité a près de deux mètres de long. Si telle était la dimension du pied de Gôtama, on ne sera pas surpris que la statue colossale des caves de Doumballa soit considérée par les Singhalais comme la plus fidèle image du réformateur, autant pour l’exactitude des proportions que pour la ressemblance des traits. Les brahmanes avaient adoré jadis cette même cavité comme portant la trace du pied de Vichnou; ceux qui ont vu dans l’île de Ceylan le paradis terrestre n’ont pas manqué de placer en ce même lieu le dernier vestige des pas d’Adam avant sa chute. Il y a des pays extraordinaires, merveilleux, où toutes les croyances semblent se donner rendez-vous pour y montrer la trace des dieux, des héros ou des personnages antiques dont il ne reste plus rien.

Le fidèle qui vient adorer les reliques ou l’image de Gôtama se prosterne et récite la formule des trois refuges ou toute autre prière. À ces mêmes pratiques, les religieux joignent l’offrande des fleurs déposées aux pieds de l’idole; ils chantent aussi au chœur une espèce d’office, récitent des litanies, et font des processions autour des coupoles à reliques. D’autres cérémonies plus imposantes ont lieu en diverses saisons de l’année. A l’époque de la saison des pluies, les religieux, que la loi ancienne considérait comme habitant dans la forêt, devaient se loger sous des abris mieux faits pour les garantir contre les intempéries. En mémoire de cette prescription, les religieux de Ceylan ont choisi les trois mois de pluie (nommés par eux le temps du vass ou habitation, résidence fixe) pour faire au peuple assemblé la lecture des textes de la loi. La salle de lecture, bâtie par les fidèles eux-mêmes, tantôt auprès d’un monastère, tantôt au milieu d’un vallon solitaire, affecte la forme d’une pyramide composée