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mystiques dans lesquels il apprend l’art de méditer. Les plus sérieux de ces ouvrages ont pour la plupart une forme attrayante, au moins pour des bouddhistes. Le dialogue et la légende y tiennent une grande place. On peut les comparer à une espèce de catéchisme historique où les anciens sages de la doctrine s’interrogent, se répondent et introduisent dans la discussion des histoires miraculeuses. Gôtama lui-même procédait ainsi ; il parlait souvent par apologues, et quand il exposait les dogmes les plus obscurs de sa philosophie, il commençait toujours par ces mots : « Voici ce que j’ai entendu dire... » De qui tenait-il ces enseignemens qu’il imposait au monde comme une révélation ? Il ne s’explique pas sur ce point; il raconte tout simplement ce qu’il a appris dans les mille et mille existences qu’il se rappelle avoir parcourues avant d’arriver à celle qui devait être la dernière. Après lui, on a répété : «Voilà ce que j’ai entendu dire, » et de là est née pour les bouddhistes une tradition qui remonte à des myriades de siècles.

En somme, la partie morale des ouvrages consacrés à l’explication de la loi bouddhique porte l’empreinte de cette haute sagesse que nous admirons dans l’antique Orient. Quelle plus vive peinture du néant des grandeurs humaines que ce passage emprunté aux épisodes si variés de la vie de Bouddha ? A un roi puissant, ambitieux, qui voulait croire à la réalité de cette vie, un sage nommé Rathapâla répond : « O roi! il y a quatre aphorismes énoncés par Gôtama, et c’est parce que je les ai compris que je suis devenu un religieux. Les voici : 1° les êtres en ce monde sont sujets à dépérir, et ils ne peuvent exister longtemps; 2° ils n’ont ni protection, ni soutien équivalens aux causes de destruction; 3° ils ne possèdent rien réellement; ce qu’ils ont, ils doivent le quitter; 4° ils ne peuvent arriver à une satisfaction, à un contentement parfaits; ils restent toujours les esclaves de leurs désirs. » — Et après avoir dialogué quelque temps avec le roi, qui a ses raisons pour tenir aux biens de ce monde, le sage récite les strophes suivantes :


« Il y a quelques hommes qui possèdent de grands biens; mais parce qu’ils vivent dans un milieu qui trouble leur jugement, ils s’imaginent posséder peu de chose : ils convoitent toujours plus qu’ils n’ont et s’épuisent eu efforts pour augmenter leurs biens. Il y a des rois qui soumettent les quatre parties de la terre et même les rives de l’océan; mais ils ne sont pas contens, ils voudraient franchir l’océan pour trouver d’autres mondes à conquérir, et ainsi ils ne sont jamais rassasiés, et l’ambition les tourmente jusqu’à la mort. U n’y a aucun moyen pour l’homme mondain de satisfaire ses désirs... Quand il meurt, ses amis errent autour de son corps les cheveux en désordre, et pleurent en criant : « Il est mort, il est parti...; » puis ils enveloppent son cadavre dans le linceul et le consument sur un bûcher. Il ne peut emporter