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consentit à payer un tribut aux portugais, à la condition que ceux-ci l’aideraient à se défaire de ces importuns étrangers. Cent cinquante ans plus tard, les Hollandais, après une longue rivalité, parvinrent à chasser les portugais; ils restèrent les maîtres des provinces maritimes de Ceylan jusqu’en 1796, époque à laquelle l’Angleterre les en dépouilla pour toujours. De l’établissement des Arabes sur les côtes de Ceylan, de l’occupation plus ou moins complète de l’île par les portugais et les Hollandais, enfin de la domination exclusive des Anglais, il est résulté que l’islamisme et plus encore le christianisme ont fini par prévaloir sur la religion locale dans les villes et dans les districts qui avoisinent la mer. Ce n’est donc pas à Columbo, ni à point-de-Galles, ni à Trincomale qu’il faut rechercher les religieux bouddhistes. On ne trouverait au milieu de ces ailles fortifiées, prises, détruites et rebâties par des Européens, qu’une population mêlée; les Malabars venus de la presqu’île, les métis nés des descendans des Portugais et des Hollandais, les marchands étrangers, les pêcheurs baptisés, moitié chrétiens, moitié païens, y occupent plus de place que les Singhalais de la race ancienne. Pénétrons dans l’intérieur de l’île, au sein des régions montagneuses de l’ancien royaume de Kandy; la nature avait tout fait pour tenir ce pays à l’abri des influences du dehors. Qu’on se figure irae succession ininterrompue de montagnes à pic et de vallées profondément encaissées, tellement couvertes de forêts et si abondamment arrosées par les pluies des moussons, que les brouillards ont de la peine à se dissiper sous l’action d’un soleil de feu. L’insalubrité de ces vallées humides et marécageuses est proverbiale; pour y vivre, il faut être né dans le pays. On n’y voit pas de villes, mais des villages plus ou moins considérables, habités par des laboureurs qui s’adonnent à la culture du riz. Ceux qui ont des loisirs ne connaissent pas de plus agréables passe-temps que d’entendre raconter de fabuleuses légendes en prose ou en vers, dans lesquelles l’histoire se mêle aux traditions religieuses. C’est dans cette région centrale de Ceylan que le bouddhisme a gardé ses adeptes. Enfermés dans les limites d’un horizon borné, séparés des Malabars leurs voisins par un bras de mer et plus encore par la différence de religion, les Singhalais forment un peuple à part; ils ont l’instinct de l’individualité propre à tous les insulaires. Hors de leur île, ils ne trouveraient plus ces couvens bouddhiques où vivent en commun, sous le joug d’une discipline régulière, les dépositaires de la doctrine à laquelle ils demeurent attachés.

La religion fondée par Gôtama-Bouddha, n’admettant point de Dieu suprême, a supprimé du même coup le sacrifice et le prêtre; elle n’a d’autre clergé que les religieux, hôtes de ces monastères. Les