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Mais l’on conviendra que si la conférence de Vienne avait le droit de protester contre le commentaire de M. de Nesselrode, le gouvernement que ce document venait contrecarrer le plus directement était le gouvernement anglais. L’interprétation de M. de Nesselrode faisait plus que contredire, elle baffouait la minutieuse et consciencieuse dissertation que lord Clarendon avait adressée à lord Stratford pour convertir le divan, et le décider à l’adoption pure et simple de la note de Vienne. Lord Clarendon écrivit et envoya à sir Hamilton Seymour, à l’adresse de la Russie, la contrepartie de cette dissertation.

Relativement à la première objection, lord Clarendon disait qu’en faisant allusion à la sollicitude de l’empereur de Russie pour l’église grecque, le seul but de la conférence avait été de rappeler la sympathie naturelle que doit éprouver tout souverain pour la situation dans un pays étranger du culte qu’il professe ; mais jamais elle n’avait entendu affirmer que les immunités en question fussent dues à la sollicitude des empereurs de Russie. La Porte avait donc raison de soutenir qu’un grand nombre de ces privilèges étaient bien antérieurs à l’existence des relations diplomatiques entre la Russie et la Turquie. M. de Nesselrode parlait vaguement de griefs, mais il n’en spécifiait qu’un seul, l’affaire des lieux-saints, auquel il avait été donné une satisfaction régulière. Jamais la Russie n’en avait articulé d’autres, et ce n’était pas à la conférence de tenir compte de torts qui n’étaient point arrivés à sa connaissance. M. de Nesselrode demandait quel aurait été l’objet de la mission du prince Menchikof, si la première modification de la Porte était admise ? Cet objet, les assurances répétées de la Russie l’avaient toujours limité à deux points : règlement de la question des lieux-saints, garantie que ce règlement ne serait plus troublé à l’avenir. Or la question avait été réglée à la satisfaction de toutes les parties, et quant à la garantie, la note de Vienne en contenait une que la Russie ne contestait pas.

La modification relative au traité de Kainardji n’avait point paru justifiée au gouvernement anglais jusqu’à l’objection présentée par M. de Nesselrode. Le gouvernement anglais avait cru que toute connexion avait été enlevée dans la note entre le traité de Kainardji et le maintien des privilèges religieux. La conférence n’avait voulu qu’une chose : l’engagement solennel de la Porte de maintenir ces privilèges. En représentant les immunités et les privilèges religieux comme la conséquence du traité, M. de Nesselrode élevait une prétention insoutenable. Si cette prétention était admise en vertu de l’article 7 du traité, la Russie aurait le droit de veiller au maintien de ces immunités et de ces privilèges, qui sont de telle nature, qu’elle pourrait constamment et à volonté intervenir entre le sultan et ses sujets ; par-là s’établiraient en fait les droits nouveaux, l’extension