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eux-mêmes, et qui est celui de leurs sujets. Ce qu’il s’agissait de reconnaître, c’est qu’il y a de tout temps sollicitude active de la part de la Russie pour ses coreligionnaires de la Turquie, comme pour le maintien de leurs immunités religieuses, et que le gouvernement ottoman est disposé à avoir égard à cette sollicitude comme à laisser intactes ces immunités.

« La phrase actuelle devient d’autant plus inacceptable, que par les termes qui suivent, on attribue au sultan plus que de la sollicitude pour le culte orthodoxe. On affirme qu’on n’a jamais cesse de veiller au maintien de ses immunités et privilèges, non plus que de les consacrer par des actes solennels. Or c’est précisément le contraire de ce qu’on affirme qui, ayant eu lieu dans les derniers temps à plus d’une reprise, et notamment dans l’affaire des lieux-saints, nous a obligés d’y porter remède par la demande d’une garantie plus expresse pour l’avenir. Si nous nous prêtons à reconnaître que le gouvernement ottoman n’a jamais cessé de veiller au maintien des privilèges de l’église grecque, que deviennent les plaintes que nous avions formées contre lui ? Nous reconnaissons par là même que nous n’avions pas de griefs légitimes, que la mission du prince Menchikof était sans motif, qu’en un mot la note même qu’on nous a adressée était parfaitement superflue.

« 2° Les suppressions et additions de mots introduits ici avec une affectation marquée ont pour but évident d’invalider le traité de Kainardji, tout en ayant l’air de le confirmer.

« Il était dit dans la rédaction originairement conçue à Vienne que « fidèle à la lettre et à l’esprit des stipulations des traités de Kainardji et d’Andrinople relatives à la protection du culte chrétien, le sultan regarde comme étant de son honneur de préserver de toute atteinte les immunités et privilèges accordés à l’église orthodoxe. » Cette rédaction, qui faisait dériver de l’esprit même du traité, c’est-à-dire du principe général déposé dans l’article 7, le maintien des immunités, était conforme à la doctrine que nous avons soutenue et soutenons ; car, selon nous, la promesse de protéger un culte et ses églises impliqué de nécessité le maintien des immunités dont ils jouissent. Ce sont deux choses inséparables. Cette rédaction primitive concertée à Vienne a subi plus tard à Paris et à Londres une première modification, et si nous n’y avons pas objecté dans le temps, comme nous aurions eu le droit de le faire, ce n’est pas que nous nous soyons mépris sur la portée de ce changement. Nous nous étions bien aperçus de la distinction introduite entre deux points qui sont pour nous indissolublement liés l’un à l’autre ; mais cette distinction était pourtant encore indiquée d’une manière assez délicate pour que nous ayons pu, par esprit de conciliation et désir d’arriver promptement à une solution définitive, accepter telle quelle une rédaction que nous regardions dès lors comme invariable. Ces motifs de déférence ne s’appliquent plus à la nouvelle modification du même passage qui vient d’être faite à Constantinople. La ligne de démarcation entre les deux objets y est beaucoup trop nettement tranchée pour que nous puissions l’accepter sans donner un démenti à tout ce que nous avons dit et écrit. La mention du traité de Kainardji devient superflue, et sa confirmation sans objet, du moment qu’on cesse d’en appliquer le principe général au maintien