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direct[1]. » On se rendit à cet avis de l’Autriche, qui avait naturellement le principal rôle dans l’œuvre de conciliation que l’on poursuivait. Le cabinet autrichien agit auprès de la Russie et de la Porte dans le sens qu’il avait indiqué. Nous allons bientôt expliquer la nature des conseils qu’il offrit au gouvernement turc. Quant à la Russie, ce que M. de Buol lui demandait avec instance, c’était de suspendre la menace de l’ultimatum de M. de Nesselrode, l’invasion des principautés ; Le général Giulay, envoyé par l’empereur d’Autriche pour assister aux manœuvres de Saint-Pétersbourg, quoique n’ayant aucun caractère politique, était chargé de saisir toutes les occasions qui s’offriraient à lui d’exprimer à l’empereur Nicolas les vues de l’Autriche sur ce point[2].

Toutes les têtes diplomatiques de l’Europe étaient donc en travail. La Russie elle-même, quoiqu’elle se gardât de faire aucune avance apparente, quoique, pour nous servir du mot familier, elle voulût voir venir, participait au fond à l’impatience générale. « Les amis de la Russie étaient bien lents, au gré de M. de Nesselrode, à proposer un plan d’accommodement ! » L’ambassadeur anglais lui demandait, au commencement de juillet, si, après toutes les publications belliqueuses du gouvernement russe, il pouvait continuer à s’occuper d’une solution amicale : — « Cherchez toujours, » répliquait M. de Nesselrode[3]. La Russie avait même son projet de solution, ce fut le premier dont il fut question. Elle n’osa pas le proposer elle-même, elle essaya de le produire dans le monde en l’attribuant à notre ambassadeur à Vienne. M. de Bourqueney avait eu un long entretien avec M. de Meyendorf ; à la suite de cette conversation, l’ambassadeur russe prêta à son honorable interlocuteur un plan qui vola bientôt de Vienne à Saint-Pétersbourg, de Saint-Pétersbourg à Paris et à Londres, sous le nom de plan de M. de Bourqueney. M. de Nesselrode en entretint sir Hamilton Seymour ; M. de Kisséleff vint en parler à M. Drouyn de Lhuys. Voici en quoi ce plan consistait : la Porte aurait accepté la note du prince Menchikof, un ministre turc aurait été chargé par le sultan de la porter à Saint-Pétersbourg ; mais il aurait été entendu que l’empereur de Russie ferait à cette note une réponse où il expliquerait d’une façon satisfaisante pour l’indépendance du sultan le sens et la portée du protectorat qui lui serait conféré par la note. M. Drouyn de Lhuys répondit à M. de Kissélef que la France ne recommanderait point, à la Porte le plan qu’on lui envoyait de Saint-Pétersbourg sous le nom de M. de Bourqueney, et qui imposait l’acceptation de la note Menchikof ; mais si le cabinet

  1. The earl of Westmorland to the earl or Clarendon, june 21. Corresp, part I, n° 299.
  2. The earl of Westmorland tn the earl of Clarendon, june 30. Corresp., part 1, n° 310.
  3. Sir G. H. Seymour to the earl of Clarendon, july 8, 1853. Corresp., part I, n° 344.