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en montrant un petit album de poche. Il y a des dessins dans ce cahier. Ce jeune homme y tient peut-être ; il faudra déposer cet album à la prochaine station, on le renverra à la station de Mantes, où ce monsieur aura peut-être l’idée de le faire réclamer.

— Tu as raison, dit le père en feuilletant l’album, qui renfermait quelques croquis à la plume ou au crayon. Voici des renseignemens dont nous pourrions profiter, Hélène, dit-il en désignant à la jeune fille une page qui contenait de l’écriture et des chiffres.

— Mais tu as tort de lire, dit la jeune fille avec vivacité, c’est une indiscrétion.

— Quel grand mal y a-t-il à lire cela ? C’est un itinéraire de voyage dans le même pays que nous voulons visiter. Ce jeune homme est artiste, il doit connaître les endroits curieux ; nous qui avions l’intention de faire à peu près la même route, nous profiterons des renseignemens qui lui ont été donnés, et qu’il nous donnera à son tour, sans que cela lui cause aucun préjudice. Je vois déjà des indications d’hôtels à Rouen, au Havre et à Trouville ; nous qui ne savions pas où descendre, nous irons dans ces maisons-là.

— Mais, dit la jeune fille avec inquiétude, tu sais que nous devons nous montrer très modérés dans nos dépenses. Ce monsieur, qui n’a pas les mêmes raisons que nous pour compter avec sa bourse. veut peut-être descendre dans des endroits où nous serions obligés de faire une dépense qui excéderait nos moyens.

— Oh ! fit le père, ce jeune homme ne parait pas riche.

— Son costume ne prouve rien, répondit Hélène. Les artistes n’ont pas grand soin de leur toilette, surtout en voyage. Ils ont en outre la réputation d’être fort prodigues et de dépenser leur argent aussi facilement qu’ils le gagnent. Si tu veux m’en croire, nous ne profiterons pas de ces renseignemens.

— — En voici pourtant un, dit le père, qui ne contrarie pas nos projets d’économie. Et il montra à Hélène une note ainsi conçue : — « A Rouen, sur le quai, en face du nouveau pont, les remorqueurs du commerce transportent des marchandises au Havre, et consentent à embarquer des voyageurs. — Prix : 1 fr. 50 c. — Départ le matin à six heures. — Demander les capitaines de l’Atlas ou de l’Hercule. »

Hélène prit dans sa poche un petit carnet qu’elle ouvrit. Après avoir lu quelques lignes qui s’y trouvaient écrites, elle dit à son père : — Les bateaux qui font le service régulier, et que nous devons prendre, coûtent six francs par personne ; en nous embarquant sur ces remorqueurs, nous réalisons une économie. Cette fois je suis de ton avis. — Et elle prit note sur son carnet du renseignement fourni par l’album d’Antoine.