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et mécontens, mais qu’ils louent le Seigneur, et qu’ils pensent de nous ce qui leur plaira, et nous serons satisfaits, et nous prierons pour eux, et nous servirons notre Dieu. Et nous espérons que nous chercherons la paix et le bonheur de notre pays, et que le Seigneur leur donne des cœurs pour faire de même. Vraiment, monsieur, je suis contraint dans le fond de mes entrailles de vous écrire tout cela. Je vous demande pardon, et je suis, etc. »


Quand il revint en Angleterre tout chargé de ces miséricordes divines, les clairvoyans aperçurent bien qu’il méditait de grands projets, et cependant il cherchait dans les psaumes, avec ceux qu’on appelait les saints, son devoir et sa destinée, car c’était un soulagement pour lui que de mettre Dieu dans ses affaires et d’appuyer ses passions par ses croyances. Je ne sais si c’est le roi-prophète qui lui renouvela l’éternel conseil de l’ambition et du courage ; mais il quitta encore la politique pour la guerre ; il partit avec une armée pour l’Ecosse, et ce fut sa plus belle campagne. À Dunbar, il chargea l’ennemi en s’écriant avec le psalmiste : « Maintenant que le Seigneur se lève, et ses ennemis seront dispersés. » A Worcester, il livra sa plus grande bataille à la tête de trente mille hommes. On n’avait point alors de plus fortes armées, et d’une main victorieuse il écrivit au parlement : « Les dimensions de cette miséricorde divine dépassent toutes mes pensées. C’est pour quelque chose que je sais une miséricorde, une grâce de couronnement, a crowming mercy. » Que voulait-il dire ? Pensait-il tout haut en parlant ainsi ? Etait-ce lui, comme le dit un historien, que la divine miséricorde couronnait ? Y a-t-il là, comme le veut Southey, une pointe et une prophétie ? Du moins est-il que lorsqu’il revint, Londres reconnut un maître.

Le gouvernement de la république n’avait été ni sans sagesse ni sans honneur. — Une administration attentive, quelques réformes utiles, des succès au dehors auraient pu lui regagner la confiance du pays. Il ne l’avait pas cependant, et il n’a pas obtenu les suffrages de la postérité. Les révolutions déposent presque toujours un principe de faiblesse dans les gouvernemens qu’elles créent. La force qui a présidé à leur naissance les menace incessamment, s’ils ne la prennent pour eux-mêmes. On croit vainement que l’utilité, la raison, la justice, la bonne conduite suffisent pour affermir un pouvoir ; il y faut encore le temps. Rien ne supplée l’habitude que la peur. Or le conseil d’état et le reste du parlement, le tronçon, le croupion du parlement, qui dirigeaient la république, n’étaient pas redoutés. Mutilés par des coups d’état, frappés d’illégalité dans leurs origines, ils ne parvenaient pas à se donner dans les esprits l’autorité morale d’un gouvernement régulier ; leurs antécédens nuisaient à leurs services. La république en elle-même était loin d’avoir l’unanimité, et ses ennemis savaient peu de gré à ses partisans de maintenir l’ordre, insupportable aux fanatiques et aux niveleurs. Les hommes honnêtes,