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mystérieuse condition des choses humaines, le droit paie pour l’abus, et l’innocent pour le coupable. On passa de la royauté absolue, en traversant la royauté constitutionnelle, à l’omnipotence des communes, et de celle-ci à la république, qui devait se transformer en gouvernement militaire. Les soldats réformateurs, qui étaient tout à la fois les enthousiastes et les défenseurs, les fanatiques et les exécuteurs de la révolution, frappèrent de leur épée le parlement et le roi.

La mort du roi fut un attentat imprévu. Quoique la rudesse des mœurs explique bien des rigueurs, quoique l’humanité ait souvent manqué aux hommes de ce temps, notamment à Cromwell, cette cruauté hypocrite qui emprunte le masque d’une apparente justice ne fut pas le vice dominant de la révolution anglaise comme d’autres révolutions non moins célèbres. Nous la voyons déshonorer la guerre civile par des massacres, mais le meurtre judiciaire n’est pas son crime favori. Celui-ci, le plus éclatant et qui n’est pas le moins odieux, semble dépasser la mesure de l’iniquité révolutionnaire. Par malheur la royauté est une institution personnelle pour ainsi dire. Elle s’incarne dans une famille et prend la figure humaine. C’est par-là que, dans ses jours de prospérité, elle inspire des sentimens plus directs d’affection et de respect. Elle règne, comme on dit, sur les cœurs. Il y a dans la nature humaine un besoin de sympathie qui entraîne princes et sujets à transformer ainsi, à passionner imprudemment une institution qui devrait rester toute politique ; cela se paie cruellement cher aux jours du malheur. Quand la foi dans l’institution périt, l’amour peut faire place à la haine, et les idées de vengeance germent dans les cœurs en réaction contre les sentimens de reconnaissance. On ne se contente plus de réformer, on prétend punir. La royauté a marqué les personnes d’une empreinte ineffaçable, et, ne pouvant l’effacer, on retranche les personnes. La suppression de la chose ne parait consommée que par le meurtre de l’homme ; la logique rend impitoyable, la raison d’état cruel. Il n’y a pas jusqu’à l’air de sacrilège d’une telle action qui ne contribue à séduire ces esprits étroits et excessifs qui nuisent plus peut-être dans les troubles civils que les cœurs pervers. On ne sait pas assez quel mal font aux hommes les fautes de l’intelligence. Dans la vie politique, les fausses idées endurcissent, corrompent plus que les mauvais sentimens, et un grand écrivain a eu raison d’appeler les préjugés des monstres.

Toutes ces causes contribuèrent à la mort de Charles Ier. La royauté, qu’on voulait anéantir, ne pouvait disparaître qu’avec le roi. C’était le moyen d’intimider son parti, de lui enlever un centre et un drapeau. Il y avait une raison, la première de toutes pour de certains pouvoirs, et qu’il faut exprimer dans leur cynique langage : « On ne savait comment s’en débarrasser. » Ajoutez que l’immensité