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connaissaient, car c’était un précieux jeune homme fait pour Dieu. Vous avez motif de bénir le Seigneur. Il est un glorieux saint dans le ciel, en quoi vous devez extrêmement vous réjouir. Que cela épuise votre chagrin, vu que ce ne sont point paroles feintes pour vous consoler, mais que la chose est une si réelle et si indubitable vérité. Vous pouvez tout avec la force de Christ. Cherchez-la, et vous supporterez aisément votre épreuve. Que la miséricorde publique accordée à l’église de Dieu vous fasse oublier votre douleur privée ! Le Seigneur soit votre force. C’est la prière de votre fidèle et dévoué frère,

« OLIVIER CROMWELL.

« Mes tendresses à votre fille et à mon cousin Percerai, à la sœur Deshorough et à tous les amis qui sont avec vous. »


Les mêmes préoccupations spirituelles se retrouvent dans ses dépêches officielles. Après la bataille de Naseby, où il commandait encore ses côtes de fer (ironsides), ainsi qu’il appelait ses cavaliers, ce fut lui qui, en qualité de membre du parlement, fut chargé de rendre compte de l’affaire à l’orateur William Lenthall, et il terminait ainsi sa lettre : « Monsieur, il n’y a pas ici d’autre main que celle de Dieu, et à lui seul appartient la gloire, ou personne n’a de part que lui. Le général[1] vous a servi avec toute sorte de fidélité et d’honneur, et la meilleure louange que je puisse lui donner, c’est, je puis dire, qu’il rapporte tout à Dieu et qu’il aimerait mieux mourir que de rien s’attribuer à lui-même. C’est ainsi qu’il faut faire, c’est le parti honnête et profitable, — et cependant pour la bravoure, tout ce qu’on en peut reconnaître à un homme, on le peut reconnaître à lui dans cette journée. Ce sont d’honnêtes gens qui nous ont servis dans cette action. Monsieur, ils sont fidèles ; je vous en supplie, ne les découragez pas. Je souhaite que cette action engendre la reconnaissance et l’humilité chez tous ceux qu’elle intéresse. Celui qui expose sa vie pour la liberté de son pays, je souhaite qu’il se fie en Dieu pour la liberté de sa conscience, en vous pour la liberté qu’il défend. »

On entrevoit une leçon cachée dans ces phrases vagues et embarrassées. Il prêche son gouvernement comme ses soldats ; mais il revient toujours au langage de l’humilité : « L’humble prière de tous ces braves à qui l’on peut penser qu’il est dû quelques louanges, écrivait-il en annonçant la prise de Bristol, c’est d’être oubliés dans le souvenir des louanges de Dieu. » Mais celui qui se prosternait ainsi devant le Tout-Puissant est le même qui provoquait et signait la pétition ou plutôt le manifeste par lequel l’armée, exposant ses griefs, réclamant sa paie, exigeait la tolérance au nom de la foi, la liberté pour le fanatisme, un peu d’aise pour les tendres consciences, en protestant d’un respect affecté

  1. Sir Thomas Fairfax.