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diplomatie et pour l’honneur de nos écrivains les plus célèbres. Voltaire, complètement mystifié par le philosophisme hypocrite de Catherine, applaudit au partage de la Pologne ; il traite ceux de ses compatriotes qui désapprouvent cet acte de spoliation de don Quichottes welches. Le cabinet de Versailles, pendant ce temps, laisse tout faire, et quand l’acte d’iniquité est accompli, il donne pour excuse qu’il n’a été prévenu de rien. Seul parmi les souverains de l’Europe qui restèrent en dehors du partage, le sultan Mustapha III comprit l’immense portée de cet acte, et voulut faire la guerre ; mais il resta complètement isolé ; et ce qui se passe, aujourd’hui sous nos yeux n’est sans doute que la conséquence directe des fautes qui furent commises à cette date par le gouvernement français. La France du XVIIIe siècle, en encourageant la Russie dans la voie des conquêtes, imposait fatalement à la France d’aujourd’hui la nécessité d’agir ; car c’est une loi de l’histoire européenne que, chaque fois qu’un état cherche à dominer et menace l’équilibre général, il retrouve en face de lui, comme adversaires, ceux que dans d’autres temps il avait comptés pour alliés, et qui même avaient aidé à ses premiers succès.

Lorsqu’il arrive à l’époque de la révolution et de l’empire, M. Cantu, tout en restant un narrateur distingué, tout en groupant et en résumant avec art des faits très complexes, M. Cantu, disons-nous, ne garde pas à l’égard de la France la même impartialité. Heureusement pour le lecteur, M. Renée ne perd jamais de vue la stricte vérité de l’histoire, et à chaque assertion hasardée il ajoute une note rectificative. On a de la sorte sur une foule de faits importans deux opinions souvent très opposées, qui représentent l’une la tradition de l’esprit italien, l’autre la tradition de l’esprit français, et nous devons dire que les notes de M. A. Renée sont toujours assez précises pour ne laisser aucun doute. S’agit-il, par exemple, du rôle de la France en Italie ? M. Cantu ne nous épargne point les reproches. Il accuse Napoléon d’avoir divisé, démembré, vendu l’Italie, après avoir promis aux Italiens qu’ils ne seraient ni Français, ni Allemands, et il ajoute qu’en se rappelant la campagne de Marengo à Sainte-Hélène, il regrettait, avec un remords en vain dissimulé, de n’avoir point fait alors à cette patrie de ses aïeux le bien qu’il aurait pu lui faire ! « L’Italie, répond justement M. Renée, a-t-elle donc perdu la mémoire ? " En effet, si jamais depuis de longs siècles une seule chance lui a été offerte de devenir un état puissant, ne l’a-t-elle pas due à la France et à Napoléon ? En promettant aux Italiens qu’ils redeviendraient un peuple, le vainqueur de Marengo ne leur a-t-il point recommandé avant tout de rester unis ? Ont-ils suivi ce conseil ? Cette unité italienne que rêve M. Cantu, comme la rêvait Machiavel, quelle autre nation que la France a jamais cherché à la constituer ? A la fin du XVIIIe siècle, l’esprit militaire était complètement éteint, et dans les quinze premières années du siècle suivant, les Italiens, disciplinés et aguerris, s’étaient associés glorieusement à nos luttes et à nos victoires. Et qui donc leur avait rendu la conscience de leur courage, si ce n’est la France et Napoléon, qui seuls aussi pouvaient constituer chez eux une armée nationale ? La France n’est-elle pas, je ne dirai point justifiée, mais glorifiée, lorsque l’on compare sa politique dans la péninsule avec celle de Ferdinand, de Ruffo, de Nelson, et qu’on la voit détruire les brigands, quand