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du Passé de M. de Gramont. Le livre de M. de Gramont est un composé de sonnets et de ce que l’auteur appelle des rhythmes, sans compter des traductions de psaumes qui font peut-être ici une assez singulière figure. Ce qui manque dans la poésie de M. de Gramont comme dans beaucoup d’autres vers contemporains, ce n’est point l’habileté ni un certain mouvement d’images et de couleurs : c’est l’originalité, cette originalité intime, dont l’absence fait qu’on n’aperçoit pas souvent de différence sensible entre les vers de la veille et ceux du lendemain. Cette poésie est comme une poignée de fleurs du matin gracieuses et éphémères. Heureux quand on en peut retirer un fragment, un sonnet où une poétique pensée s’enveloppe d’une forme saisissante ! En est-il ainsi dans la Fleur du Panier, de M. Armand Barthet ? M. Bartbet n’en est pas à ses débuts poétiques ; il a fait une comédie en vers, le Moineau de Lesbie, qui a figuré au Théâtre-Français. Depuis, il a écrit encore une autre comédie dans le même genre, le Chemin de Corinthe. Il y a dans les vers nouveaux de M. Barthet, comme dans les précédens, un mélange de grâce, de fantaisie et de sentiment qui n’est point sans charme. C’est en particulier l’attrait du petit poème d’Aldine. Seulement, c’est là un genre d’inspiration qui dégénère aisément en affectation, en caprices vulgaires, et qui par un autre chemin revient à l’éternel écueil, l’absence d’originalité. Mais de tous les genres de poésies, le plus ingrat, à coup sûr, est celui des poésies de circonstance. Il faut être un esprit sincèrement ému pour faire les Messéniennes, ou une imagination puissante pour faire les Orientales au moment où tous les regards se tournent vers l’Orient. M. Dromain l’a voulu essayer encore aujourd’hui dans les Syriennes, en promenant sa muse dans le Bosphore et à travers la Turquie. Que dirons-nous ? les Syriennes ne sont pas les Orientales, et il est à craindre qu’elles ne soient emportées comme une paille légère, disparaissant, avant d’avoir pu être observées, dans le mouvement de choses qui s’agite vers l’Orient. Ainsi la poésie elle-même, en certains momens, se met d’accord avec les faits et ramène au but où tout tend, où tout se précipite aujourd’hui.

Si la question d’Orient reste l’élément dominant dans les préoccupations universelles, si dans la plupart des pays l’attention se concentre dans cette pensée unique, ce qu’il faut néanmoins observer, c’est comment des pays tels que l’Angleterre parviennent en même temps à suffire à leurs intérêts les plus variés. Récemment à l’ouverture du parlement et lorsque la guerre était déjà plus qu’une possibilité, lord John Russell présentait un bill de réforme électorale, suivant l’engagement qu’il en avait pris l’an dernier. C’est en 1831, on le sait, que la loi électorale de l’Angleterre a été réformée une première fois et purgée de ses vices les plus choquans, de sorte que les modifications actuelles ne sauraient avoir la même importance. Dans tous les cas, lord John Russell ne pouvait accepter absolument l’opinion qui demandait la répartition des sièges au parlement, suivant le chiffre de la population ; il en serait résulté l’annulation complète de l’aristocratie territoriale, et ce n’est point là que tend le gouvernement britannique. Lord John Russell s’est proposé simplement de faire disparaître quelques anomalies qui restent dans la loi actuelle, en étendant du même coup le droit électoral. D’un côté, il y a un assez grand nombre de collèges dont la population est trop peu nombreuse