Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/1033

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Une communication semblable sera probablement faite en même temps par l’amiral français[1]. »


Pour mieux préciser la nature de la protection garantie ainsi par nos escadres, lord Clarendon avertissait lord Stratford le 18 octobre que les flottes ne devaient pas s’opposer au transport des troupes russes par mer d’un point à un autre du territoire russe, mais devaient intervenir uniquement dans le cas où une attaque navale serait dirigée contre la Turquie[2]. Sir Hamilton Seymour fit part de ces instructions à M. de Nesselrode le 27 octobre ; il lui indiqua les cas où les vaisseaux russes ne seraient point inquiétés, et ceux dans lesquels « la force serait repoussée par la force[3]. » Les promesses d’attitude défensive de la Russie avaient donc été prises au mot ; elle avait été prévenue que les escadres de France et d’Angleterre avaient ordre d’employer au besoin la force pour les faire observer. La Russie couronna pourtant par la surprise et l’incendie de la flottille de Sinope, qui étaient un défi jeté à nos escadres et à leurs instructions. La longue série de ses agressions obstinées et de ses paroles violées. Enfin, lorsque sous l’impression de cet épouvantable événement la France et l’Angleterre, défendant le droit et l’humanité, ont été obligées de prendre, suivant le mot anglais, le commandement de la Mer-Noire, la Russie du même coup refuse les dernières propositions d’arrangement que lui recommandaient les quatre puissances, rompt les relations diplomatiques avec la France et l’Angleterre, et brave, avec le désespoir de l’orgueil, la guerre européenne.


IV

Nous nous arrêtons. Nous croyons que cette analyse des documens diplomatiques suffit, quoique bien écourtée, pour éclairer complètement quelques-uns des principaux points de cette vaste question, et pour démontrer la moralité de la position où se trouve la France en face des graves complications qui vont s’ouvrir. Nous n’avons pas la pensée d’entrer ici dans les nombreuses considérations que soulève la perspective d’une lutte de l’Europe occidentale avec la Russie en Orient ; mais qu’on nous permette de constater brièvement quelques-uns des résultats de l’étude à laquelle nous venons de nous livrer.

  1. Corresp., part II, n° 134.
  2. Corresp., part II. N° 152.
  3. Corresp., part II, n° 206.