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introduisirent aussi dans l’Inde et en firent leurs gardes du corps. Les Abyssiniens s’y rendirent redoutables par leur bravoure et leur sauvagerie. Ils devinrent mahométans, s’allièrent à des femmes indiennes, formèrent un peuple métis, différent par la couleur et le caractère des Arabes et des Hindous, dont ils se firent également détester. Quelques-uns d’entre eux devinrent chefs militaires, gouverneurs de provinces et même chefs de petites dynasties indépendantes, avec les titres de sidy, (seigneur) en arabe, et de nawab[1].

Enfin, en même temps que le sultan Bâbar, par ses premiers exploits sur les frontières nord-ouest du Pandjâb, se préparait à la conquête de l’Hindoustan central, des métamorphoses nouvelles, inattendues, s’annonçaient sur le bord méridional de la côte de Malabar par l’arrivée des Portugais. Ainsi les destinées du peuple hindou devaient se modifier à la fois par l’action des races de l’Asie septentrionale et de l’Europe occidentale. Le premier débarquement de Vasco de Gama avait lieu le 20 mai 1498. En 1510, Albuquerque prit la ville forte de Goa et en fit la capitale de la vice-royauté de la couronne portugaise dans l’Inde. Ici, les Portugais se mêlèrent à la population indigène et prirent à leur solde des Malabares, des Canarais et d’autres tribus du Dakkhân ; ici, comme élément de leur gouvernement colonial, ils introduisirent l’inquisition, cet épouvantail du catholicisme, qui, selon l’expression de Schlegel, semblable à un spectre noir, accompagne invariablement les deux nations de la péninsule pyrénéenne dans toutes les parties du monde. C’est de ce point remarquable et sous l’influence de ce tribunal redouté, interprète suprême à cette époque de la religion du Christ, que devaient partir les missionnaires jésuites, chargés, à trois reprises différentes, de tenter la conversion du grand Akbar.

Tel était, au point de vue ethnographique, l’état de l’Hindoustan au moment où ce pays allait passer sous le sceptre des Bâbéridès.


A.-D. DE JANCIGNY.

  1. La grande confédération hindo-britannique compte même aujourd’hui plusieurs princes d’origine abyssinienne, le nawab de Sutchin, le sidy de Djindjira, etc.