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avait hérité de la haine des Arabes contre les guèbres[1], les atteignit partout où ils s’étaient réfugiés et les poursuivit jusqu’au-delà de l’indus. Ceux d’Ormus ne purent y séjourner que quinze ans, mais ils avaient appris dans ce grand entrepôt du commerce de l’Orient l’art de construire et de diriger les vaisseaux, et ils transportèrent cette noble industrie à Diu, dans le Goudjrât, et de là à Urdwara, sur la côte de Bombay[2], où ils résidèrent pendant des centaines d’années. Plus tard, ils s’étendirent à Cambay, Sourât et Bombay, où ils prospèrent aujourd’hui au nombre de plus de cent cinquante mille familles, surtout comme constructeurs et négociant. Anquetil, L’immortel analyste du Zendavesta, nous a tracé un tableau de maître des mœurs et des opinions des parsis modernes. Quoiqu’ils aient beaucoup emprunté à l’asile qui les sauva des persécutions des mahométans, ils ont cependant conservé leur ancienne religion, et Urdwara, où leur feu sacré éternel, apporté de Fars, se conserve religieusement, est toujours la résidence des principaux ministres de leur culte. Par eux, le zend et le pehlvi sont devenus accessibles à la science dans leur sens, leur écriture et leur littérature, et les livres sauvés au moyen des relations secrètes entretenues par ces courageux exilés avec leur mère-patrie forment, depuis Anquetil, l’un des sujets les plus intéressans et les plus importans des recherches de nos orientalistes.

À côté des Juifs, des chrétiens, des mahométans et des parsis, les Chinois, les Malais, les Arméniens et les abyssiniens s’étaient aussi établis sur différens points des côtes, mais plutôt en colonies éphémères ou en ramifications isolées. Les Malais s’étaient mêlés à plusieurs peuples de la côte de Commandel, les Chinois s’y montraient ou s’y établissaient temporairement, comme sur d’autres points de l’extrême Orient, pour les besoins de leur commerce ou de leur industrie ; ils s’étaient installés à China-Patnam (Madras). Les Arméniens pénétrèrent dans le Dakkhan, comme commerçans, par suite de leurs anciennes relations avec les Juifs et les chrétiens syriaques. Les Abyssiniens, venus d’abord avec les Arabes, soit comme esclaves, soit à leur solde, s’introduisirent aux cours des sultans mahométans sur l’indus et le Gange, et y jouirent d’une faveur qui les éleva parfois aux plus hautes dignités ; mais ce fut surtout dans le Dakkhan que les dynasties guerrières mahométanes, cherchant à augmenter leurs ressources militaires par l’enrôlement de troupes étrangères, employèrent ces aventuriers abyssiniens. Les conquérans tartares en

  1. Les musulmans les appellent gueler’s, gaber’s et kâfer’s, c’est-à-dire mécréans, quelquefois aussi măgh (μαγοι des Grecs, magi des Latins) ou mages.
  2. Par 20 degrés de latitude nord.