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l’Égypte[1], déclare en propres termes « que la connaissance de Dieu, aussi bien que la connaissance du langage, parmi les Égyptiens, a ses racines dans l’antique Asie et dans l’ancien territoire arméno-caucasien, » et il ajoute que « cette terre, partie de l’Aram des premiers âges, est liée au royaume primitif de Babel ; que les hiéroglyphes d’Égypte ne sont, dans l’histoire du monde, qu’une particularité encore existante du vieux temps de l’humanité aramite-arménienne, précisément comme l’Islande montre, encore existante, la Norvège du VIIIe siècle. » Les découvertes les plus récentes faites sur les bords du Tigre[2], dans ces couches gigantesques de ruines exhumées par les Botta, les Layard, les Rawlinson, paraissent confirmer ces vues hardies et rattacher les rameaux hindou et égyptien à une même souche ensevelie, pour ainsi dire, sous la poussière des siècles, mais que la critique monumentale éclairera bientôt d’un jour nouveau. Torrens, dans un intéressant mémoire sur la race brahmanique, se montre disposé (comme, avant lui, Vans Kennedy) à croire qu’il sera possible, en effet, de remonter à cette source antique et de prouver l’origine babylonienne du sanscrit et de la mythologie hindoue. Des inscriptions trouvées sur des dalles, sur des briques, sur des vases retirés de ces merveilleuses ruines, ont présenté des caractères ressemblant à ceux des Làt, et qui, déchiffrés pour la première fois par l’admirable sagacité de James Princep, semblent une forme ancienne du dewanagri. Guidé par ces indices et par les traditions et s’appuyant sur les recherches de bunsen, Torrens a essayé de montrer comment on pouvait expliquer, d’un côté, les analogies ou plutôt les identités frappantes, de l’autre les différences extraordinaires que présentent les Égyptiens et les Hindous ; de quelle nature ont été les relations qui sont indiquées entre ces deux grandes familles, originairement parties du même point ; à quelles époques il convient de les rapporter ; quelles routes ces familles ont suivies pour arriver, l’une en Égypte, d’où elle a rayonné, pour ainsi dire, sur le monde entier par la guerre, le commerce et les arts ; l’autre dans l’Inde gangétique, où l’attendaient

  1. Égyptens Stelle in der Wellgeschichis, etc. [Place da l’Égypte dans l’Histoire du Monde), 3 vol. in-8o, Hambourg, 1845-46.
  2. « Le Tigre, dit notre savant ami F. Hoefer (*), est comme une ligne de démarcation entre les nations indo-persanes et les nations sémitiques araméennes. De ces deux grandes souches de peuples qui les premiers entreprirent la civilisation du monde, l’une étend ses ramifications au nord-ouest, l’autre au sud-ouest. Aux peuples indo-persans se rattachent, par leurs langues et leurs institutions, les populations de l’Europe. Les nations sémitiques se partagent l’Assyrie, la Syrie, l’Arabie, la Palestine, la Phénicie, et envahissent l’Afrique. Tel est le point de vue élevé qui domine l’histoire. »
    (*) Second Mémoire sur les Ruines de Ninive, p. 7 et 8. Paris, Firmin Didot, 1830, in-8o.