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les anneaux de la chaîne qui unit l’Hindoustan du XVIe siècle, l’Hindoustan d’Akbar, à l’empire hindo-britannique du XIXe siècle.

Notre point de départ sera l’étude du milieu où se sont accomplis les grands événemens auxquels a présidé l’intelligence d’un homme au XVIe siècle, celle d’une nation au XVIIIe et au XIXe. Ce rapprochement aura-t-il pour résultat de constater que l’instinct gouvernemental des Anglais a été moins favorable aux intérêts des peuples de l’Inde que le génie du prince asiatique qui s’était assis sur le trône de Dehly ? Nous ne saurions l’affirmer ; mais ce que nous espérons établir par les faits, c’est que l’étude du pays et des races avait été pour Akbar, comme elle l’est aujourd’hui pour les Anglais, l’élément le plus important du pouvoir, le moyen le plus sûr de bien gouverner ces contrées destinées à subir le joug de la civilisation occidentale. Les ouvrages qui ont servi de base à nos recherches méritent plus particulièrement d’être consultés à ce point de vue ; ils présentent un ensemble de renseignemens qu’on peut considérer comme les véritables données du problème, et dont nous avons pu vérifier l’exactitude sur le théâtre des faits accomplis.

Ce n’est que dans ces derniers temps qu’on a compris en Europe l’importance des recherches ethnographiques appliquées à la politique. Les Anglais, les Allemands, les Hollandais, les Français, ont marché avec ardeur dans cette nouvelle carrière. Les Anglais surtout, auxquels le concours des circonstances les plus merveilleuses a livré le sort de cette immense agglomération de peuples qui compose l’Hindoustan, ont senti la nécessité d’étudier l’organisation physique, le caractère, les mœurs, les traditions, les langues, les monumens des races diverses dont le respect et la soumission confiante sont indispensables au maintien de leur domination. Il faut reconnaître que les orientalistes anglais ont noblement défendu, depuis William Joncs, la devise de leur adoption : Ex Oriente lux ; mais le règne d’Akbar leur avait légué le premier exemple de ces investigations philosophiques dans l’immortel ouvrage d’Abou’l-Fazl, l’Ayîn-Akbary, qui résumait, avec une supériorité incontestable les connaissances historiques et statistiques de ce siècle dans l’Orient, en même temps qu’il exposait un système de gouvernement dont les bases principales ont été adoptées par l’Angleterre, au XIXe siècle, pour l’administration de ses immenses possessions à l’est du cap de Bonne-Espérance.

La détermination précise des élémens dont se composait la population de l’Hindoustan lors des premières invasions des mahométans et celle des élémens additionnels introduits par la conquête ou par d’autres voies ne doit pas, remarquons-le bien, profiter seulement aux Anglais ; elle se rattache à la solution du problème général de la dispersion et de la subdivision des races primitives, problème qui intéresse