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un avenir glorieux reine, ministres et généraux. Les brillantes qualités du fondateur de l’empire moghol devaient d’ailleurs revivre en partie dans Shâh Djahân, fils et successeur de Djâhân-Guîr. Ce qui importe à notre but actuel, c’est de montrer comment Akbar connut et pratiqua le grand art de gouverner, comment aussi à la dernière heure les Anglais, héritiers de la domination fondée par Akbar, ont cherché à profiter de l’exemple qu’il leur a donné, et jusqu’à quel point ils y ont réussi. Cette comparaison de deux pouvoirs d’origine si différente, s’exerçant sur une pareille agglomération de peuples, à plus de deux siècles d’intervalle, doit être fertile en enseignemens.


II. – LES RACES DE L’HINDOUSTAN AVANT LE REGNE D’AKBAR.

S’il est vrai que, jusqu’à nos jours, tout grand changement dans le monde politique se soit plus ou moins résumé et comme incarné dans un homme, cela a été vrai surtout pour l’orient. En même temps que la pensée collective de l’humanité s’y montre plus disposée qu’elle ne l’est en Europe à subir l’influence de l’imagination et le joug commode des habitudes héréditaires, elle s’incline devant le dogme de la fatalité. Il en résulte que la plupart des Orientaux, tout en admettant la nécessité de la concentration du pouvoir dans une seule main, s’inquiètent peu de la main qui l’exerce. Dans ce drame du despotisme où se jouent parfois leurs destinées, ils s’intéressent plus au rôle qu’à l’acteur ; en d’autres termes, ils respectent moins le souverain que le trône sur lequel il est assis. Qu’un prince y soit appelé par sa naissance, qu’il y soit porté par la révolution ou par la conquête, pour peu qu’il se montre digne du commandement, les peuples obéissent sans hésiter. Si à la sagesse ou à l’habileté de la conduite la Providence a permis qu’il joignît la merveilleuse initiative du génie, il entraîne avec lui dans des routes nouvelles les races accourues à sa voix.

L’avenir des peuples, en Asie surtout, est donc lié comme fatalement au sort de certains chefs éminens qui ont mérité leur admiration ou leur reconnaissance. Le regard s’arrête avec une curiosité mêlée de respect sur ces hommes qui ont marché à la tête de leur siècle, et l’histoire leur demande compte de la mission qui leur a été assignée ici-bas. On ne les connaît bien toutefois qu’à la condition d’examiner soigneusement le milieu dans lequel ils ont vécu. Or, à côté des causes extérieures imprévues, des accidens étranges ou de l’indifférence politique qui amènent et sanctionnent, pour ainsi dire, les révolutions en Orient, un examen attentif nous montre, comme en Europe, l’action continue de cet esprit de liberté et de progrès, de cet admirable instinct de conservation, qui guident les nations au