Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/913

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui, avec leur mère encore plus brave qu’eux, donnèrent tant d’affaires à Ekbar, et qui, dans les sièges des villes qu’ils soutinrent contre lui, donnèrent des preuves si extraordinaires de leur générosité, qu’ils aimèrent mieux enfin se faire tuer dans des sorties avec leur mère que de se soumettre, et c’est à cause de cette générosité extraordinaire que leurs ennemis mêmes les ont crus dignes qu’on leur érigeât ces statues. Ces deux grands éléphans avec ces deux braves qui sont dessus impriment d’abord, en entrant dans cette forteresse, je ne sais quoi de grand et je ne sais quelle respectueuse terreur. »

Cependant la prise de Tchitore et celle des forteresses de Komâlner et de Goganda, neuf ans après, ne suffirent pas pour réduire le Méwâr à l’obéissance. Les efforts héroïques, les talens et la persévérance du rana Partâb (fils et successeur d’Oudé-Sing, chassé de Tchitore par Akbar) maintinrent pendant de longues années l’indépendance de cet état, et ce ne fut que sous le règne de Djahân-Guîr, après une lutte honorable et à des conditions qui garantissaient au prince du Méwâr des prérogatives exceptionnelles parmi les tributaires de l’empire, que l’héritier du noble Partâb et de son digne fils Oumra-Sing fut autorisé par ce dernier à se reconnaître vassal de l’empereur. Oumra-Sing lui-même abdiqua pour ne pas humilier dans sa personne la fière indépendance de sa race. Ce fut pendant sa lutte prolongée avec le vainqueur de Tchitore que, Partâb fonda la nouvelle capitale du Méwâr, Oudejpour, occupée encore aujourd’hui par ses descendant. La maison royale de Méwâr fut la seule de toutes les familles suzeraines du Hadjpoutana qui ne consentit jamais à s’allier par mariage avec les descendons de Teimour ; elle se refusa même à toute alliance de cette nature avec les autres radjas, les regardant comme souillés par le mélange de leur sang avec celui d’une race étrangère. Akbar, loin de se laisser influencer par de semblables préjugés, encouragea au contraire, dans l’intérêt de sa politique, cette fusion intime des familles princières, destinées en apparence à être éternellement séparées par la différence des religions. Il eut deux impératrices radjpoutnies, l’une de la maison de Djeypour, l’autre de celle de Marwâr, et son fils aîné Sélim (depuis Djahân-Guîr) épousa également deux princesses des familles régnantes de Djeypour et Djodpour. L’historien d’Akbar et son ministre favori, Abou’l-Fazl, faisant allusion à ces alliances politiques, s’exprime ainsi[1] : « La polygamie a en général de grands inconvéniens ; mais sa majesté, dans sa sagesse et sa prévoyance infinies, a trouvé le moyen de la faire servir au bien de l’état, car, en contractant des

  1. Ayin-Akbary, vol. I, p. 45, édit. In-8°, London 1800.