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Houmâyoûn, réduit, par la révolte de ses frères et par une série non interrompue de revers, à chercher un refuge momentané en Perse, y fut honorablement accueilli par shâh Tahmas (1544), qui lui donna les moyens de rentrer dans l’Afghanistan à la tête d’une année. Il ne tarda pas à s’emparer de Kaboul, où il eut le bonheur de retrouver son fils Akbar, à peine âgé de trois ans, et tombé, dix-huit mois auparavant, au pouvoir de son oncle Kamrân. Dans le cours de la lutte acharnée qui s’engageait alors entre les deux frères, Kaboul fut repris deux fois par Kamrân, et deux fois le jeune Akbar y fut encore son prisonnier (1546 et 1550). Que s’était-il passé dans l’Hindoustan pendant que les descendais de Teimour semblaient vouloir épuiser dans une lutte fratricide le sang qu’il leur avait transmis[1] ?

Du moment où Houmâyoûn avait été rejeté dans l’ouest de l’Hindoustan sans argent, sans troupes, sans alliances, il avait cessé d’être un objet d’appréhension sérieuse pour Shère-Shâh, qui ne s’occupa plus que de s’affermir sur le trône où il s’était assis. Il y réussit, malgré les guerres continuelles dans lesquelles il se trouva engagé, non-seulement parce que ses talens militaires et sa duplicité consommée lui donnaient un immense avantage sur tous ceux qui essayaient de lui tenir tête, mais parce qu’il était doué à un haut degré des qualités qui font le grand homme d’état et le sage administrateur. Une fois rangés, de gré ou de force, sous son autorité, les peuples se sentaient habilement et, jusqu’à un certain point, paternellement gouvernés ; mais ce bien relatif n’avait d’autre élément de durée que la vie d’un homme, et l’usurpateur mourut cinq ans après l’expulsion du souverain qu’il avait détrôné. Sélim-Shâh, fils et successeur de Shère-Shâh, ne continua qu’imparfaitement son père pendant un règne de neuf années. À sa mort, arrivée en 1553, la confusion et l’anarchie désolèrent de nouveau l’Hindoustan ; les ambitions rivales se disputèrent le sang et les sueurs des peuples opprimés, et l’empereur Houmâyoûn put entrevoir de son lointain exil que, de ce chaos politique, sortirait la restauration de sa race. Il faut lui rendre cette justice, qu’au milieu des plus rudes épreuves, pendant quinze années d’attente, de périls et de luttes, il ne désespéra jamais de l’avenir.

Après la soumission ou la mort de ses frères et libre désormais de

  1. Mirza Askary était auprès de l’empereur depuis la prise de Kandahar, tantôt prisonnier, tantôt surveillé de près. L’histoire le perd de vue à dater d’une réconciliation passagère des quatre frères, racontée par Djouher, et l’histoire fait bien. Hindâl, resté fidèle à Houmâyoûn, depuis qu’il l’avait rejoint sur la route de Kaboul, fut tué, dans une attaque de nuit, par les Afghans, en 1553. Kamrân, tombé au pouvoir de l’empereur peu de temps après, eut les yeux crevés et mourut à la Mecque, où il avait eu la permission de se retirer.