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caravane fut plus pénible encore cette fois, marquée de plus de dangers et de fatigues. Arrivée à quelques lieues d’Amarcote, la colonne de marche se trouvait réduite à un petit nombre d’hommes et d’animaux, et la démoralisation était telle parmi les officiers de la suite de l’empereur, que l’un d’eux, voyant le cheval qu’il montait complètement épuisé, insista pour que la jeune impératrice lui rendit celui qu’il lui avait prêté. Houmâyoûn fit asseoir l’impératrice sur son propre cheval et continua la route, à pied, puis sur un chameau de charge, jusqu’à ce qu’un autre de ses officiers vînt lui offrir sa monture. Quelques heures après, l’empereur faisait son entrée à Amarcote, suivi de sept cavaliers seulement, et trouvait enfin dans ces murs hospitaliers une trêve momentanée aux maux endurés par lui et par les siens.

La noble femme qui avait partagé les dangers, les fatigues et les privations de toute espèce que son royal époux venait d’affronter, était alors dans un état de grossesse très avancée. L’empereur, la confiant aux soins de la famille de râna Parsad, reprit la campagne d’après les conseils et avec l’aide de ce chef, qui mettait à sa disposition un corps de six à sept mille hommes de ses propres troupes ou de celles de ses alliés. Houmâyoûn était campé avec sa petite armée à vingt-quatre milles d’Amarcote, prêt à se porter, selon les circonstances, sur Tatta ou sur Kandahâr, quand il apprit l’heureuse délivrance de l’impératrice Mariam-Makany[1] et la naissance d’un fils. Après s’être prosterné et avoir rendu grâces à la Providence, qui lui envoyait cette consolation au milieu de ses épreuves, Houmâyoûn reçut les félicitations des chefs qui lui étaient restés fidèles, et voulant, suivant l’usage, leur distribuer quelques présens dans cette mémorable occasion, il se trouva qu’il ne lui restait rien dont il pût disposer sans compromettre ses dernières ressources - qu’une poche de musc qu’il rompit en plusieurs morceaux. Il les distribua à ses amis en disant : « Voilà tout ce que je puis vous offrir à l’occasion de la naissance de mon fils. J’espère bien cependant que sa renommée remplira un jour le monde, comme le parfum de ce musc se répand aujourd’hui autour de nous. »

Ce fut dans ces circonstances que Bherâm-Khan, guerrier consommé,

  1. Ce titre de Mariam-Makany, « une seconde Marie ou celle qui tient sur la terre la place de Marie, » parait avoir été donné par l’empereur à Hamyd-Banou-Bégam à l’occasion de la naissance d’Akbar. Djouher la désigne cependant sous ce titre dès l’époque de son mariage avec Houmâyoûn. Elle le conserva sous le règne de son fils, car Abou’l-Fazl ne la nomme pas autrement.