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les choses divines non moins volontiers que le naturalisme. Quant aux pratiques, il n’est point aujourd’hui sous le soleil une contrée où elles soient en quelques occasions aussi sévères. La vie ascétique des premiers chrétiens est restée populaire et nationale chez les Arméniens à côté de la science du bien vivre. En cela se manifeste encore l’union de deux tendances contraires qui se trouvent si souvent alliées chez les peuples asiatiques.

Reconnaissons donc dans les mœurs chrétiennes des peuples de l’Orient l’influence de leur nationalité individuelle. Indépendamment de la tendance au naturalisme qui a inspiré aux Moldo-Valaques, aux Serbes et aux Hellènes, une répugnance visible pour la théologie, et qui est devenue la raison essentielle du dogme de leur église, chacun d’eux (et les Arméniens ne font pas exception) a donc donné à ses croyances religieuses l’empreinte de ses traditions, de ses préjugés, de ses superstitions primitives. Ces légendes où l’on voit se confondre les élémens les plus divers attestent que le christianisme a dû, sur ce terrain, transiger avec les civilisations antérieures. Les préoccupations politiques qui se sont emparées à la fois de toutes ces races depuis le commencement de ce siècle ont eu pour effet d’ajouter à la force de cet attachement héréditaire pour les traditions qu’elles croient propres à leur nationalité.

Cet attachement, que peuvent à peine concevoir les pays dont l’existence repose sur un principe rationnel, est poussé aujourd’hui chez les chrétiens de la Turquie d’Europe jusqu’à l’engouement le plus enthousiaste. Les modernes évolutions de leur civilisation se sont accomplies au nom de leur langue nationale. Leurs espérances d’avenir sont fondées sur leurs souvenirs. Tout ce qui appartient à leur passé a été déclaré par eux inviolable. Les politiques ont été avant tout des érudits. On s’est complu à ressusciter les formes et l’esprit des temps primitifs, à prendre les légendes mêmes pour des modèles littéraires, pour la règle des écrivains du présent, et peu s’en faut, pour la véritable source d’inspiration des philosophes, des hommes d’état. La résumé, on peut le dire, l’esprit de nationalité domine aujourd’hui plus fortement que jamais les diverses races chrétiennes de l’Orient, qu’il tient depuis tant de siècles déjà séparées de Rome par les dogmes.


III. – LA HIERARCHIE.

C’est dans son organisation hiérarchique que l’église d’Orient porte au plus haut degré l’empreinte de cet esprit national que nous venons de reconnaître en traits si manifestes dans le dogme et dans les croyances populaires. La communion orientale n’admet point de chef