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sur les nuages. Il ne reste aux Indiens en proie à la sécheresse et à la maladie qu’à se convertir et à solliciter leur pardon. L’on vient évidemment d’assister à une scène du paganisme, et n’étaient les noms des personnages, la tournure homérique du poème rendrait l’illusion complète.

Parmi les nombreuses et remarquables rapsodies qui forment le cycle du prince Lazare, le dernier grand représentant de l’indépendance nationale, nous retrouvons saint Elie qui, sous la forme d’un faucon, apporte au prince un message de la vierge Marie.

Quand les Serbes visent au surnaturel, ils ont, comme les Valaques, des génies propres à leurs traditions, qui ne sont pas sans action sur leurs esprits. De ce nombre sont les vila, êtres fantastiques, tour à tour amies ou ennemies de l’homme, mais toujours animées de sentimens slaves. On voyage rarement sans rencontrer ces gnomes qui se plaisent soit à vous conduire, soit à vous égarer. Les vila figurent constamment à côté de saint Elie et de la Vierge dans les croyances populaires des Serbes. Le recueil des poésies nationales de la Serbie, publié par M. Vouk Stephanovitch, renferme plusieurs de ces légendes où la vila est représentée sous sa physionomie à la fois patriotique et païenne.

Il existe dans les superstitions des Serbes un être essentiellement malfaisant, d’un ordre très inférieur aux vila, et qui ne laisse pas d’occuper également ou plutôt de tyranniser les imaginations. C’est le vampire, conception essentiellement slave et qui a parcouru les contrées du Bas-Danube avant de fréquenter les races germanique et celtique. La Serbie passe pour être de tous les pays slaves celui où le vampirisme a répandu le plus de terreur. Les grandes calamités, les épidémies, les disettes, ne manquent jamais d’être attribuées à cette action mystérieuse, et dans ce cas, malheur à celui qui peut être soupçonné d’avoir en lui le cœur du vampire sous l’enveloppe humaine ! On le reconnaît à une pâleur particulière et à la transparence vitreuse du regard. L’effroi qu’il inspire met sa vie en péril, et la vengeance populaire s’acharne principalement sur son cadavre, car la puissance du vampire ne finit pas avec la vie mortelle. Toujours à la recherche des moyens de nuire, il quitte chaque nuit sa tombe pour obéir à une rage instinctive du mal. Veut-on en triompher ? on coupera les jambes du cadavre, et l’on fixera le tronc dans le cercueil par un clou qui traversera le cœur.

Les Hellènes partagent avec les Slaves cette croyance bizarre au vampirisme. C’est chez eux que l’auteur du Giaour a pris les traits effrayans sous lesquels il dépeint le vampire. « Tu seras envoyé sur la terre sous la forme d’un vampire, pour apparaître, spectre horrible,