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ecclésiastique fût admis à ses derniers momens. On l’ensevelit auprès de ses ancêtres dans l’église de Battersea. Ce monument est en marbre gris et noir, et deux médaillons sculptés par Roubillac offrent son profil et celui de sa femme. l’on y lit cette inscription dont l’original, écrit de sa main, existe au Museum britannique :


« Ici repose Henry Saint-John, sous le règne de la reine Anne secrétaire de la guerre, secrétaire d’état et vicomte Bolingbroke; au temps du roi George Ier et du roi George II, quelque chose de plus et de mieux. son attachement à la reine Anne l’exposa à une longue et rude persécution. Il la supporta avec fermeté d’âme. Il passa la dernière partie de sa vie dans sa patrie. Il ne fut l’ennemi d’aucun parti national, l’ami d’aucune faction. Sous ce nuage de proscription qui ne fut jamais entièrement écarté, il se distingua par son zèle à maintenir la liberté et à restaurer l’antique prospérité de la Grande-Bretagne. »


Le testament de Bolingbroke commence par ces mots : « Au nom de Dieu, que j’adore humblement, à qui j’offre mes perpétuelles actions de grâces, résigné de grand cœur (cheerfully) aux ordres de sa providence... » L’acte d’ailleurs ne contient que des dispositions insignifiantes. Des amis que nous lui connaissons, un seul est nommé, c’est le marquis de Matignon auquel il donne un diamant qu’il portait au doigt. Une seule de ses dernières volontés intéressait le public et devait livrer de nouveau sa mémoire au jugement du monde. Il léguait à David Mallet la propriété de tous ses ouvrages, lettres et manuscrits, avec l’intention manifeste de faire de lui son éditeur. Cette intention fut accomplie.

Mallet, dans les dernières années, le voyait sans cesse, l’écoutait, l’admirait, le flattait, se pénétrait de ses idées et de ses volontés. Il regarda le legs qui lui était fait comme une mission, et rien ne le put détourner de la remplir tout entière. On redoutait la publication de certains ouvrages de Bolingbroke, soit pour sa mémoire, soit pour ses contemporains. Dans les Lettres sur l’histoire, imprimées dans le temps pour huit personnes seulement, les fondemens de l’histoire sainte étaient librement examinés. Lord Cornbury, aujourd’hui lord Hyde, à qui ces lettres avaient été adressées, tâcha d’obtenir de Mallet que cette partie suspecte ne fût pas réimprimée. Il lui écrivit de Paris une longue lettre où, parmi les plus grands éloges donnés à Bolingbroke, il dit qu’il ne lui a connu de préjugé et de passion que sur les questions religieuses, et qu’il ne serait ni prudent, ni respectueux de divulguer cette faiblesse d’un homme supérieur. Il ajoutait même qu’il serait obligé de désavouer la publication (mars 1752). Mallet, qui pensait au fond comme Bolingbroke, répondit qu’il avait un mandat et qu’il le remplirait sans restriction. Les intentions de son noble ami lui étaient bien connues, Les