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proposition à laquelle les chambres ne pouvaient refuser absolument leur concours ; mais le souvenir du débat sur la loi royale n’avait évidemment pas cessé de dominer les esprits.

Le cabinet danois présentait un projet de loi sur les douanes comme conséquence de la publication du 28 janvier, et il invitait les chambres à le sanctionner par leur vote comme devant inaugurer l’accomplissement d’une précieuse unité. Le projet contenait deux parties bien distinctes, l’une portant sur plusieurs changemens de tarifs tendant à égaliser ceux du Holstein et ceux du Danemark, l’autre ayant pour but la translation de la ligne des douanes de l’Eider à l’Elbe, c’est-à-dire du nord au sud du Holstein. La première partie fut concédée et votée par le Folke-Thing ; quant à la seconde, elle contenait une mesure d’une grande importance politique et commerciale. C’était un commencement d’exécution de la constitution commune, mais au profit du Holstein seulement. La translation de la ligne douanière à l’Elbe devait avoir pour résultat immédiat de rendre les rapports du Danemark avec l’Allemagne plus intimes et plus incessans que jamais. Là justement était le danger. — Suivez en effet, disaient les orateurs de l’opposition, le travail intérieur de l’Allemagne depuis dix années. Après beaucoup de vœux indiscrètement exprimés, après beaucoup de rêves impatiens dirigés vers l’unité nationale, on l’a vue se mettre à l’œuvre en 1848, et espérer un instant alors qu’elle parviendrait à l’unité politique. La tentative de Francfort a échoué complètement ; mais depuis lors la Prusse n’a-t-elle pas adroitement compris que l’unité commerciale et industrielle, moins chimérique, conduirait sans doute au même but, et que dans l’œuvre générale elle saurait trouver son profit ? Elle a formé premièrement le Zollverein en y attirant les états du centre de l’Allemagne ; elle s’est alliée ensuite au Steuerverein, et s’est annexé de la sorte le groupe des états qui occupent le nord-est de l’Allemagne, elle entoure aujourd’hui du réseau de son union douanière les villes hanséatiques, qui s’y verront peut-être absorber dans un prochain avenir. Qui empêchera cette contagion de s’étendre au Holstein, si, par la translation de la ligne douanière, les relations du Danemark avec l’Allemagne se resserrent avant que les parties isolées de la monarchie danoise aient pu être rapprochées dans une organisation commune ? — L’organisation intérieure du royaume devait donc passer, selon l’opposition, avant la question de la ligne douanière, et le projet du gouvernement fut rejeté par la seconde chambre à la majorité de 50 voix contre 45. Puisque le ministère avait présenté son plan comme une inévitable conséquence des négociations européennes, il était naturel qu’il ne cédât pas. Sans attendre que la discussion fût portée à la première chambre ou Lands-Thing, il fit prononcer par le roi la