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outre les frais du procès. Peu de temps après, il fut destitué de sa dignité de chambellan, vendit, ses domaines du Jutland et passa en Allemagne, Beenfeld justifia comme il put les signatures qu’il avait copiées du manifeste allemand ; quelques signataires firent amende honorable ; il ne fut pas question des autres, et l’affaire fut ainsi terminée. L’opinion attribua toute la victoire au parti des réformes, représenté alors par la royauté.

Une réaction en appelle une autre en sens contraire. Celle par laquelle l’ordre des paysans voulut répondre à la protestation des grands propriétaires ne fut pourtant que l’expression de la reconnaissance publique, car, à l’exception d’une partie de l’aristocratie, la nation tout entière applaudissait à des réformes qui préparaient sans révolution aux différentes classes du Danemark une égalité civile conquise à peine à la même époque par la France à travers les massacres et la ruine. Quinze jours seulement après la conclusion du procès intenté au chambellan Luttichau, une souscription fut organisée pour élever un monument qui perpétuât la mémoire des ordonnances de 1788. Les travaux étaient déjà commencés, quand on apprit que le prince royal venait d’honorer encore le Danemark en ordonnant qu’après un laps de dix années les établissemens danois des côtes occidentales de l’Afrique cesseraient absolument tout commerce d’esclaves. Le 31 juillet 1792, jour anniversaire du mariage du prince régent, les corporations de la ville avec leurs douze bannières, l’artillerie bourgeoise et tous les paysans de la contrée se réunirent à la porte occidentale de Copenhague (Vesterport), sur la place extérieure où s’élevait déjà le piédestal de la nouvelle colonne. Des salves de canon annoncèrent l’arrivée du prince, qu’accompagnaient Bernstorf et Reventlow. Après lui avoir adressé quelques paroles, Colbiœrosen lui présenta une médaille d’or sur laquelle ces mots étaient gravés : « En l’année 1792 après Jésus-Christ, les citoyens danois se sont unis pour élever à cette place une colonne de pierre en souvenir des bienfaits de leur roi Christian VII envers l’ordre des paysans, et en particulier de l’abolition du stavnsbaand. » Le prince royal prit cette médaille et la posa dans une ouverture pratiquée à la base du monument. Puis un des notables demanda et obtint la permission de déposer dans une autre ouverture la médaille qui avait été frappée vingt-quatre ans auparavant à l’occasion de la naissance du prince Frédéric. La dernière pierre du piédestal fut ensuite scellée au bruit des canons et des acclamations de tout un peuple qui suivit le prince jusqu’à son palais, à travers les fanfares et les fleurs. Cinq ans après, à la fin de 1797, l’ut terminée la colonne