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possesseurs de grands domaines. Il n’y avait là qu’une mesure d’administration que le gouvernement danois avait, sans aucun doute, le droit d’ordonner sans qu’on pût l’accuser de s’être illégalement immiscé dans les intérêts de la propriété privée. Le mécontentement n’en fut pas moins presque général, et il se traduisit en quelques endroits par de mauvais traitemens infligés par certains maîtres aux paysans que la misère retenait auprès d’eux. D’autres songèrent à supplier le gouvernement de retirer la loi qu’il venait de porter, et plusieurs propriétaires du Jutland septentrional se réunirent à cet effet.

Le prince royal, Frédéric, allait se marier ; on résolut de s’adresser à son beau-père futur, le prince Charles de Hesse, lieutenant du roi dans les duchés, et d’invoquer son intervention. Un des mécontens, le chambellan Christian Frédéric Tœnne de Luttichau, rédigea en allemand une pétition qui reçut cent trois signatures, et qu’on envoya au prince Charles ; mais plusieurs d’entre eux, craignant que le prince royal ne trouvât mauvais qu’on ne se fût pas adressé à lui, firent décider qu’une pétition lui serait aussi présentée. Le chambellan Beenfeld la rédigea au plus vite en danois, et comme le temps manquait pour l’envoyer à tous ses collègues, il eut l’idée et commit l’imprudence de copier toutes les signatures du factum allemand, en imitant même l’écriture de chaque signataire. Les deux rédacteurs furent députés auprès de chacun des deux princes pour lui adresser des félicitations à propos du mariage et la requête commune à propos des félicitations. Ils arrivèrent dans la ville de Slesvig, où le prince royal était venu lui-même et où le mariage devait être célébré le 31 juillet 1790. Ils se présentèrent d’abord au prince Charles et à la jeune princesse, qui prêtèrent peu d’attention à leurs vœux intéressés, puis au prince Frédéric, de qui ils reçurent cette seule réponse : « Je veux que le paysan soit libre sans que le propriétaire soit blessé dans ses droits. Le paysan sera libre, cela ne veut pus dire qu’il fera tout ce qui lui plaira. Le paysan qui manquera à ses engagemens ou à ses devoirs envers son propriétaire sera sévèrement condamné et puni ; mais le paysan qui se croira victime d’une injustice