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elles ne parlent que des sacrifices qu’Alexandre fit régulièrement et des bains qu’il prit avec non moins de régularité tant que ses forces le lui permirent. Les sacrifices lui avaient été prescrits pour détourner la colère des dieux. Les cérémonies religieuses exercent une influence morale qui dans certains cas peut être salutaire ; mais beaucoup de maladies, et entre autres les fièvres dont il s’agit ici, ne sont pas susceptibles d’être modifiées par ce genre d’action. Il ne resta donc des sacrifices auxquels Alexandre se soumit que la fatigue corporelle qu’ils lui imposèrent. Or toute fatigue, tout mouvement, tout effort tendent à aggraver le mal ; le repos et la tranquillité sont recommandés expressément, comme une condition de succès, par les médecins qui ont écrit sur ces fièvres. Alexandre sacrifia le premier jour de sa maladie, il sacrifia encore le second, le troisième, le quatrième, quoiqu’il fut déjà dans un état fâcheux ; le cinquième, il fut porté avec peine au lieu du sacrifice ; le sixième, il accomplit encore la cérémonie malgré le mal qui l’accablait, et ce ne fut qu’après avoir ainsi persévéré jusqu’à l’extrême limite de ses forces qu’il cessa les sacrifices ordonnés. On peut prononcer avec certitude que dans l’état fébrile où il se trouvait, il ne se livra pas impunément à ces dérangemens et à ces efforts quotidiens, et que le danger qu’il courait déjà par l’effet seul de la maladie fut encore accru par les pratiques qui lui étaient imposées. Il ne faut pas porter un jugement plus favorable des bains qu’il prit avec constance pendant les six premiers jours de sa maladie ; les bains ne font pas partie du traitement dont les médecins modernes usent dans les fièvres dont nous parlons, et on peut dire que les médecins anciens ne les employaient pas non plus dans des cas semblables ; du moins Hippocrate ne veut pas qu’on y ait recours dans ces fièvres graves.

Diodore de Sicile est le seul qui parle de l’intervention des médecins ; il se contente de dire qu’ils furent appelés et ne purent être d’aucun secours au roi. Nous ne saxons pas quels moyens ils employèrent ; mais il est certain que le genre de vie suivi par Alexandre dans sa dernière maladie tendit à multiplier les chances mauvaises et à rendre plus immanquable la terminaison funeste. Une maladie aiguë est toujours un grand péril à traverser ; il faut que le malade n’empire pas sa condition par des fautes, il faut que le médecin use habilement des opportunités qui se présentent et des ressources que l’art lui fournit. Un bon médecin anglais ou français, habitué à traiter les maladies des pays chauds, aurait employé les émissions sanguines au début, si l’état général et local l’avait exigé ; puis il aurait eu recours aux évacuans et au sulfate de quinine, et il aurait eu beaucoup de chances pour guérir son malade ; — un bon médecin des temps hippocratiques aurait employé le même traitement, sauf le sulfate de quinine, et aurait été secourable encore, quoique notablement