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effet doivent se réunir le 19 de ce mois, et c’est alors que s’ouvriront inévitablement les débats politiques qui peuvent avoir une singulière influence sur la durée du cabinet actuel. Jusque-là, c’est l’action administrative seule qui se manifeste. Le ministère espagnol se sert de son pouvoir non-seulement pour gouverner, mais pour opérer des réformes qui certes en tout temps seraient réputées des plus importantes. L’un des membres du cabinet espagnol notamment, le ministre de la justice, M. Castro y Orozco, n’a entrepris rien moins que de réformer l’administration de la justice. Il est certain que la justice en Espagne, telle qu’elle est restée comme un legs de deux ou trois siècles d’abus, était devenue un véritable chaos. Les formalités innombrables, les frais énormes de procédure, les lenteurs incalculables étaient de nature à faire reculer devant toute action judiciaire. Les réformes du ministre de la justice de Madrid, qui semblent devoir s’étendre plus loin, portent jusqu’ici sur plusieurs points principaux :. Par une instruction du 30 septembre, M. Castro y Orozco fixe un délai de huit mois pour le jugement des procès civils et simplifie diverses formalités de procédure. Quant à l’instruction des causes correctionnelles, un décret du 30 septembre également supprime la prison préventive pour les peines inférieures ; pour un certain nombre d’autres peines, il établit le système de la liberté sous caution et en règle les conditions. Enfin, là où la prison préventive subsiste, un nouveau décret du 10 octobre stipule que la moitié du temps passé en prison par les inculpés leur sera comptée dans l’application de la peine définitive, en cas de condamnation. Le ministre de la justice atteindra-t-il son but ? Rien n’est plus délicat, on le sait, que la réforme de la justice. M. Castro y Orozco nous semble un ministre philanthrope animé des intentions les plus généreuses, mais soulevant bien des questions graves qu’il retrouvera devant lui plus d’une fois assurément, parce qu’il ne suffit pas d’un décret pour les résoudre.

Au milieu de ses préoccupations administratives, le gouvernement espagnol a eu à recevoir définitivement le nouveau représentant des États-Unis, M. Soulé. C’est récemment que le ministre américain a été admis auprès de la reine Isabelle. Que disait-on cependant que M. Soulé arrivait en Europe pour soutenir tous les opprimés, et en particulier ceux de Cuba, — la magnifique possession espagnole dont on lui prêtait même la pensée d’aller négocier l’achat ? En vérité, M. Soulé n’a rien laissé percer jusqu’ici de sa mission démocratique et commerciale, et la reine Isabelle n’est point sans lui avoir répondu avec une certaine hauteur qui s’adressait moins peut-être au ministre d’aujourd’hui qu’à l’auteur des discours d’il y a quelques jours.

Le Piémont comme l’Espagne va avoir aussi dans peu de jours son parlement ouvert; mais il vient d’avoir d’ici là une petite crise, heureusement rapide et qui ne saurait avoir aucune suite sérieuse. Il y a peu de jours, quelques rassemblemens tumultueux se formaient à Turin et allaient assaillir en quelque sorte l’habitation du président du conseil, M. de Cavour. Un certain nombre de turbulens pénétraient même jusque dans l’hôtel ministériel. Là se sont arrêtées les violences, et la fermeté des autorités publiques en a empêché le renouvellement. Du reste, la tranquillité générale du pays s’est retrouvée entière après comme avant cet incident. Quel était cependant le prétexte de ces manifestations ? C’était, dit-on, la cherté du pain et des denrées