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la couleur qui prédomine dans la lumière de plusieurs de ces astres. Ainsi Arcturus dans la constellation du Bouvier, Aldébaran dans le Taureau, Antarès dans le Scorpion, sont des étoiles rouges; mais ce qui est bien plus curieux encore, Sirius, la plus brillante étoile du ciel, que toute l’antiquité, Ptolémée en tête, cite comme une étoile rouge, est maintenant du blanc le plus pur. Je préviens ici mes lecteurs parisiens, ou ceux qui habitent les grandes villes illuminées artificiellement, que le contraste des lumières artificielles, qui sont toujours rouges à un certain degré, fait paraître bleues les étoiles blanches quand on les observe dans le voisinage de ces lumières. La lumière blanche de la lune, reflétée dans les eaux des rues, éprouve le même effet. Lalande, le célèbre astronome, donne Sirius comme une étoile bleuâtre, erreur que ne faisait point Arago. Du temps de Tycho-Brahé, Sirius était d’une blancheur parfaite. M. de Humboldt fixe approximativement l’époque de son changement de teinte. La Lyre, le Cygne, le Cœur-du-Lion, la Vierge, sont des étoiles blanches; les jaunes sont le Petit Chien, l’Aigle, la polaire et l’étoile marquée de la lettre grecque bêta dans la Petite Ourse. Il ne faut jamais perdre de vue ici l’influence de la couleur bleue du ciel, qui, par contraste, rougit un peu toutes les étoiles. Ce serait donc dans les hautes montagnes, par les ciels noirs de ces lieux d’observation optiquement privilégiés, qu’il faudrait noter la couleur des étoiles. Il est de petites étoiles, observées par sir John Herschel au cap de Bonne-Espérance, qui sont comme de petites gouttes de sang. Dans les étoiles doubles, souvent les deux compagnes sont teintes de couleurs différentes. Dans certaines nébuleuses ou amas d’étoiles, tous les soleils sont de la même couleur, par exemple, tous bleus, tandis que dans la nébuleuse de Lacaille, près de la Groix-du-Sud, de puissans télescopes révèlent plus de cent étoiles diversement colorées, rouges, vertes, bleues, bleu-verdâtres; c’est un véritable écrin de pierres précieuses.

Nous abandonnons à regret l’auteur du Cosmos dans sa revue de la voie lactée, dont il trace la marche au travers des constellations célestes, avec ses embranchemens, ses rapports avec les nébuleuses distinctes et les divers sondages télescopiques exécutés dans son épaisseur. Une des plus remarquables particularités de cette immense nébuleuse, c’est un trou noir, un manque presque total d’étoiles qui signale une région située au sud de la croix australe, et précisément au milieu d’une des localités célestes où l’éclat de la voie lactée est des plus intenses. Ce trou noir, ce sac à charbon, fut observé dès les premières navigations d’Améric Vespuce. Lorsque l’observatoire du cap de Bonne-Espérance sera muni du puissant télescope que le gouvernement anglais doit faire construire pour l’observation du ciel