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Comprenons maintenant, s’il est possible, la profondeur de l’espace qu’occupent autour de notre soleil toutes les étoiles qui nous environnent, depuis la première grandeur, c’est-à-dire le plus grand éclat, jusqu’aux petites étoiles de douzième, de quinzième ou même de vingtième grandeur; mais ce n’est pas tout : au-delà des plus petites des étoiles qui nous entourent, le ciel n’est pas vide; d’autres étoiles encore plus petites sont accumulées, et finissent en une faible blancheur qui limite circulairement la voie lactée. A quelle prodigieuse distance doivent être les dernières, qui ferment la perspective par leur accumulation, et qui, dans leur ensemble, forment ce que M. de Humboldt appelle si pittoresquement une île isolée dans le ciel ? L’idée de nuage de soleils serait peut-être plus appropriée à l’objet présent. Quoi qu’il en soit, l’île céleste qui forme notre voie lactée n’est pas la seule. Les deux Herschel, père et fils, sir William et sir John, en ont catalogué environ 4,000, et l’on a conjecturé que, pour nous arriver du plus éloigné de ces amas d’étoiles visibles, la lumière, qui parcourt 300,000 kilomètres par seconde, mettait au moins 10,000 siècles !

Ces distances surpassent tellement la conception ordinaire de nos distances terrestres, quelles ne disent plus rien à notre pensée; seulement elles nous ôtent toute curiosité métaphysique de rechercher si au-delà il n’y a point encore des corps matériels existans, mais rendus invisibles par leur éloignement, ou par leur manque de lumière. Quant à l’existence de grands corps obscurs, et par suite sans relation possible avec nous, puisque la lumière est le seul mode de communication entre les étoiles et la terre, elle ne peut plus être mise en doute depuis qu’on a vu en 1572 une immense étoile briller quelques mois d’un éclat extraordinaire pour disparaître ensuite complètement, phénomène qui s’est reproduit plusieurs fois dans diverses constellations. Or notre soleil, que des données précises ne permettent pas de placer parmi les plus brillantes des étoiles, est environ un million et demi de fois plus volumineux que notre globe terrestre. Il y a donc des corps immenses actuellement invisibles pour nous, car il n’entre sans doute dans la pensée de personne d’imaginer que ces immenses étoiles temporaires, dont l’éclat a cessé, soit par une véritable extinction, soit par l’interposition d’un corps opaque qui nous les a cachées, se soient anéanties sur place; s’il est une donnée scientifique solidement établie, c’est que rien ne périt dans la nature. Toutes les forces physiques, chimiques, mécaniques, physiologiques, sont impuissantes à détruire aussi bien qu’à créer un atome de matière, un atome de chaleur, un atome de lumière ou d’électricité; elles ne peuvent de même ni détruire ni créer la moindre quantité de mouvement, Le mouvement d’un corps qu’on arrête passe