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les vallées les plus splendides et sur les rives duquel habitent, comme des apparitions merveilleuses, les plus poétiques légendes de ces barbares. Un Russe me contait dernièrement une histoire bien connue à Saint-Pétersbourg, et qui confirme tout ce que MM. Bodenstedt et Wagner disent de La poésie du Térek. Un jeune Tcherkesse, enlevé par des Cosaques, servait dans l’armée russe; beau, vif, intelligent, il était parvenu à un grade supérieur, et le tsar n’avait pas de serviteur plus dévoué. Chargé un jour d’une mission dans le Caucase, dès qu’il a revu le Térek, il ne s’appartient plus. Vainement l’honneur militaire, l’orgueil des épaulettes, le sentiment de la discipline le font-ils hésiter; il écrit au tsar que la voix du fleuve l’a appelé, et que ses pieds désormais sont liés au sol natal. Sa lettre, assure-t-on, naïve, touchante, passionnée, exprimait admirablement les combats d’une âme sincère et les séductions irrésistibles du beau fleuve circassien. Le Térek prend sa source au pied du Kasbek, se dirige vers le nord, puis à l’ouest, sépare la grande et la petite Kabarda, tourne brusquement à l’est, arrose le pays des Tchétchens ou Tschetschenzes, et après de longs tours et détours va se jeter enfin par plusieurs bras dans la mer Caspienne. C’est surtout depuis sa source jusqu’à la Kabarda que le Térek, se précipitant à travers les rochers, parcourt les plus sauvages et les plus belles parties du Caucase. Le Kouban est moins pittoresque, mais son cours est plus étendu. Sorti des marais qui baignent la base septentrionale de l’Elbnis, il se dirige vers Wladikawkas, et traversant la ville des Cosaques, Jekaderinodar, se divise en deux bras, dont l’un va se jeter dans la mer d’Azow et l’autre dans la Mer-Noire. Il faut nommer aussi un des principaux affluens du Térek, le Malka. C’est le long du Térek, du Kouban et du Malka que s’étendent les trois routes militaires du Caucase et cette ligne terrible de forts, de stations de Cosaques, de postes avancés, rompue plus d’une fois par Khasi-Mollah et Shamyl, mais reformée aussitôt par la constance tranquille du soldat russe et l’énergique ardeur du Cosaque.

La plus importante de ces routes est celle qui traverse le Caucase et assure à la Russie des communications certaines avec ses riches possessions asiatiques, la Géorgie et la Colchide. Elle se dirige de Jekaderinograd, en remontant le cours du Térek, jusqu’à Wladikawkas; là elle s’enfonce dans les montagnes, sépare le pays des Ingusches et celui des Ossètes, longe cette partie du Térek où les eaux du fleuve roulent au milieu des rocs et des abîmes, atteint l’étroit passage auquel les anciens donnaient le nom de portes Caspiennes et qui s’appelle aujourd’hui Dariel (de Der-i-Allah, la porte de Dieu), descend en droite ligne au petit village de Kasbek, situé au pied de la montagne de ce nom, s’avance ensuite le long de