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ardente luthérienne; le poète Longfellow, les abolitionistes Charles Summer et Wendell Philipps, miss Lucy Stone la réformatrice, miss Lynch et miss Sedgewick les poétesses, M. W.-H. Channing-, M. Nathaniel Hawthorne, etc. Mlle Bremer nous donne même des nouvelles des personnes remarquables des États-Unis qui en étaient absentes pendant son séjour; ainsi elle nous transmet l’écho de tous les bruits qui ont circulé sur miss Margaret Fuller, alors en Europe, et sur son mariage. Nous avons aussi un résumé des conversations sur les sujets du jour, sur l’assassinat du docteur Parkman, sur l’esclavage, sur la cour de Russie, que sais-je ? Nous entrons avec elle dans les salons des marchands sottement orgueilleux de leur or, et dans les demeures des savans ou des artistes, dans les meetings et les assemblées populaires, dans les temples des différentes sectes. Le voyage de Mlle Bremer n’est pas d’ailleurs exclusivement consacré aux États-Unis; les mœurs et la société de Cuba y ont aussi leur place. Pour nous résumer d’un mot, ce voyage est un des plus intéressans que nous ayons lus, parce qu’il nous fait pénétrer à l’intérieur de la vie américaine, au lieu de nous décrire seulement le spectacle extérieur et le panorama des villes, et surtout parce qu’il est presque exclusivement consacré aux classes les plus éclairées, à la portion véritablement civilisée de ce monde au berceau.


EMILE MONTEGUT.




GLOSSOLOGY (ESSAIS SUR LA NATURE DU LANGAGE ET SUR LE LANGAGE DE LA NATURE), par M. Charles Kraitsir[1]. — L’auteur de ce livre commence par se permettre un néologisme gratuit dès le titre de son œuvre, et il continue comme il a commencé. Sans souci pour les habitudes ou pour les susceptibilités du lecteur, sans aucun scrupule, Il se permet toutes les extravagances de langage et toutes les autres libertés qui peuvent être à la convenance de son humeur. Nous ne savons pas quel est son âge; mais certainement il a quelques-uns des procédés et des caractères les moins aimables de la jeunesse. M. Kraitsir se pique d’être révolutionnaire : il annonce l’intention de choquer le plus possible les opinions d’autrui, et dès ses premières pages il se hâte tellement de se montrer, qu’à moins d’y être forcé, on n’est pas tenté de le lire jusqu’au bout. Il y a trop peu de chances qu’un écrivain ait un esprit réfléchi, quand il n’a pas fait la réflexion qu’un langage aussi agressif n’était pas de nature à gagner un auditoire à ses idées. Un pareil livre, en vérité, est bien propre à causer une profonde tristesse, car, nous en avons peur, il ne témoigne pas seulement contre l’auteur. Pour comprendre qu’il ait pu être écrit, on est obligé de supposer un public auprès duquel les violentes explosions sont étrangement en honneur.

Dégagée de toutes les déclamations qui l’enveloppent, l’idée de M. Kraitsir revient à peu près à ceci. Jusqu’à présent, la linguistique avait procédé comme les autres sciences naturelles. Elle était partie de l’état appréciable des langues, et d’après leur constitution organique, elle avait cherché à concevoir les genres ou types de mécanisme linguistique auxquels les divers idiomes

  1. Un vol. In-12, New-York, George P. Putnann.