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Turquie, elle ne voulait rien exiger qui ne fût compatible avec l’autorité du sultan, et le jour où la Porte a jugé nécessaire d’introduire dans la note de la conférence de Vienne des modifications propres à lui assurer à ce sujet les garanties désirables, on a vu le cabinet russe rejeter cette note avec un commentaire où il prétend cette fois ouvertement à une portion de la souveraineté d’Abdul-Medjid. La pensée de la Russie n’est donc désormais que trop claire. Ce fait nouveau et décisif donne une confirmation éclatante à la thèse soutenue par l’auteur de l’écrit dont nous parlons : — ce n’est point la Russie qui a respecté ses engagemens. En se rappelant la politique modérée suivie par l’empereur Nicolas en présence des dernières révolutions européennes, on ne sait comment expliquer le changement qui s’est opéré dans cette politique. On ne saurait se dissimuler que jusqu’à ce moment l’effet moral de la crise est tout entier pour la Turquie et ses alliés. La France y a gagné de rentrer d’une manière décisive dans le concert européen. La Porte, de son côté, en a profité pour montrer qu’elle conserve une certaine énergie de patriotisme qu’on lui contestait, et qu’elle est encore de force à défendre honorablement son indépendance. En terminant cet examen de la publication attribuée à Fuad-Effendi, nous ferons une dernière remarque : s’il existait dans l’empire ottoman beaucoup d’hommes tels que cet ancien ministre, les espérances que l’on a fondées sur les progrès de la civilisation en Turquie pourraient bien donner un démenti à ceux qui n’y voient que des illusions. Cet empire, qui se soutient dans le présent par des louables efforts, pourrait sans doute compter encore sur un honorable avenir.

Cette crise d’Orient est une des épreuves où la France est engagée comme tous les pays qui ont un rôle politique dans le monde : c’est la grande affaire du moment ; elle revient sans cesse et se retrouve naturellement au bout de toutes les pensées, non-seulement parce qu’il en peut sortir la paix ou la guerre, mais encore parce que, pour tous ceux qui ont le don de réflexion, c’est une question vitale dont la solution peut déplacer toutes les influences et affecter profondément les destinées de l’Occident. La France a sa part dans cette situation ; elle a sa politique à suivre, ce qui suffirait, comme nous le disions, pour absorber le zèle et les efforts d’un gouvernement. Et cependant à peine quitte-t-on la crise d’Orient, qu’on se retrouve en présence de cette autre question, qui n’est pas moins sérieuse en un certain sens : la question des subsistances. La France a eu à traverser assurément des crises alimentaires de ce genre ; ce qui caractérise celle-ci, c’est que tous les produits se sont trouvés atteints à la fois. Une sorte de funeste influence s’est communiquée à tout et est venue comprimer la maturité de toute chose. Il est facile de mesurer le degré du mal, quand on songe qu’il est des pays en ce moment où le produit des vignes sera certainement fort au-dessous du prix du travail. C’est un bonheur du moins qu’on ait aperçu tout d’abord la gravité de la crise, qu’on l’ait soupçonnée même avant de la connaître. La prévoyance a pu s’exercer ; des approvisionnemens ont pu se faire au dehors. Le gouvernement, pour sa part, a pu agir dans la mesure de ses prérogatives. Aux mesures qu’il a déjà prises, il ajoutait récemment encore plusieurs décrets qui prorogent les dégrèvemens de droits sur les importations de grains et farines, et la suppression temporaire de la surtaxe de