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une faute trouve l’opinion publique implacable. Si une fille mal notée se rapprochait, dans une fête populaire, de ses anciennes compagnes, elle serait repoussée non-seulement avec dédain, mais encore avec violence. Un exil à Montpellier, exil qu’accompagne ordinairement une destinée fort triste, est le refuge ordinaire des réputations flétries.

Les habitudes religieuses forment encore à Lodève un frein contre la corruption des mœurs. Il n’y a plus là, comme à Nîmes, deux cultes en présence : la religion catholique règne seule sur les âmes; ses pratiques sont observées avec une remarquable ferveur; elles se transmettent héréditairement dans les familles. Si, durant la fougue de l’âge, les jeunes gens les négligent, ils ne tardent pas à revenir dans le sentier que suivaient leurs pères. En dépit des commotions contemporaines, les ouvriers de Lodève ont conservé sous ce rapport leurs traditions à peu près intactes. Vous les voyez toujours se presser le dimanche dans l’église paroissiale avec l’attitude du respect, couvrir d’ex-votos et de bougies un tombeau ou un calvaire, et remplir souvent les devoirs les plus intimes de la foi catholique. Vous les voyez suivre les processions, rangés en ligne, quelques-uns marchant nus pieds, l’encensoir à la main. Durant ces dernières années, dans les momens de la plus grande effervescence politique, on aurait défendu au péril de sa vie certains objets du culte particulièrement vénérés; on aurait craint de tomber soi-même frappé de mort, si on avait porté sur un signe religieux une main sacrilège; mais on n’en violait pas moins ouvertement les préceptes de la charité évangélique et de la résignation chrétienne. Le clergé, qui jouit à Lodève d’une omnipotence absolue quand il recommande le respect des formes extérieures du culte, le clergé, qui a su garder ici les ménagemens commandés par les circonstances, et faire une juste part entre les patrons et les ouvriers, perd son influence et devient suspect dès qu’il agite des questions étrangères au domaine de la foi.

C’est par les cérémonies qui parlent aux yeux que la religion exerce son empire. Le caractère de la population éclate surtout dans des confréries auxquelles les ouvriers sont affiliés en grand nombre et dans la vénération profonde qu’ils ont tous pour la mémoire d’un ancien évêque de la ville, saint Fulcran. Lodève possède deux confréries qu’on retrouve dans quelques autres villes des mêmes contrées : la confrérie des pénitens blancs et celle des pénitens bleus. Signe unique de distinction entre les deux sociétés, le costume consiste en une cape blanche ou bleue, garnie d’un large capuchon percé de deux trous à la hauteur des yeux, mais qu’on ne rabat plus guère par-dessus la tête et qu’on laisse tomber sur les épaules. Ces corporations, réservées exclusivement aux hommes, restent fidèles à leur origine religieuse dans toutes leurs manifestations. On se